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CHINE ET SOCIÉTÉ
Publié le 15/06/2015
La France et la Chine, mieux se connaître, s'estimer davantage

 

L'interview avec M. Maurice Gourdault-Montagne, ambassadeur de France en Chine

Nous avons célébré en 2014 le 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques franco-chinoises, et la visite d'État du président Xi Jinping en France a permis de tourner une nouvelle page de l'amitié et de la coopération entre la Chine et la France. C'est un grand plaisir pour nous d'interviewer M. Maurice Gourdault-Montagne, ambassadeur de France en Chine et d'écouter ses observations sur la Chine.

Q : Avant d'accepter votre mandat d'ambassadeur de France en Chine, quelles étaient vos impressions sur la Chine? Vous êtes en Chine depuis le mois d'août dernier et, êtes au contact quotidien des Chinois, qu'est-ce qui vous frappe le plus?

J'ai fréquenté la Chine quand j'étais le conseiller diplomatique du président Chirac et que j'étais en charge du dialogue stratégique, qui a été institué entre la France et la Chine par le Président Chirac, et par le Président Jiang Zemin. Je suis venu pendant cinq ans – plusieurs fois par an – pour des rencontres avec le conseiller d'Etat Dai Bingguo. A l'époque, je découvrais la Chine et je voyais la Chine avancer dans sa politique d'ouverture et de réforme mise en place par Deng Xiaoping. C'était très impressionnant ! Mais je ne suis pas venu en Chine depuis 2007. En revenant l'année dernière, je découvre une autre Chine. Parce que le développement de la Chine, avec son rythme de croissance, a non seulement montré que la face de la Chine avait changé, mais que la Chine avait pris une importance dans tous les domaines, qui la place maintenant au rang de première ou de deuxième économie mondiale. Ce qui me frappe, aujourd'hui c'est la conscience de la Chine de sa responsabilité internationale, le fait que la Chine soit devenue un grand acteur de la mondialisation, que la Chine se soit intégrée et continue à s'intégrer davantage dans la société internationale. La Chine entretemps est rentrée à l'OMC, la Chine a toujours été membre permanant du Conseil de sécurité. Mais elle est de plus en plus impliquée dans la vie internationale. Et je pense que c'est quelque chose de très important dont tous les pays du monde doivent tenir compte. C'est ça, le principal changement que je vois, c'est ce résultat d'un développement qui amène la Chine à être un acteur à part entière de la scène internationale, avec lequel chaque pays doit pouvoir compter.

Q : L'année dernière, nous avons célébré le 50ème anniversaire de l'établissement de la relation diplomatique sino-française, et il y a eu de nombreux évènements présentés en Chine. Pourriez-vous nous rappeler quelques événements importants qui ont permis de renforcer la connaissance du peuple chinois sur la France ?

Ce qui est important dans ces événements, c'est de regarder le passé pour se rendre compte, pour réaliser le chemin qui a été parcouru. Mais il ne s'agit pas de regarder seulement le passé, il s'agit de se dire que si on a surmonté le passé ensemble, nous pouvons aussi regarder l'avenir ensemble. C'est cela l'intérêt d'une commémoration de cinquante années. On a eu beaucoup d'événements, on a célébré le geste visionnaire du Général de Gaulle décidant avec le président Mao Zedong d'établir des relations diplomatiques, alors qu'à l'époque nous étions en pleine guerre froide. C'était un geste fort qui pour la première fois commençait à évoquer un monde multipolaire que la France et la Chine souhaitaient. Nous avons aussi marqué cette année du cinquantenaire par des visites importantes. Je pense à la visite du président Xi Jinping en France qui a fixé à la France et à la Chine un plan de coopération à moyen et à long terme. C'est, - on pourrait dire - notre feuille de route. Il faut souvent s'y reporter pour voir ce qui a été réalisé, ce qui reste encore à réaliser. Cela signifie qu'on continue à travailler ensemble dans les grands domaines industriels, les coopérations structurantes, du nucléaire, de l'aéronautique, mais également dans tout ce qui concerne les hommes et les femmes de nos pays, c'est à dire les sociétés de nos pays. En particulier dans le domaine de la santé, nous sommes des sociétés où les gens veulent vivre bien et mieux, où les gens vieillissent aussi. C'est un domaine où les sociétés française et chinoise évoluent finalement de la même façon. C'est aussi le cas dans le domaine de l'agroalimentaire, les Français et les Chinois veulent savoir ce qu'ils mangent, ce qu'ils ont dans leur assiette, c'est la question de la sûreté alimentaire. Ces questions nous intéressent. C'est un domaine où nous pouvons coopérer. Et puis, il y a le secteur de la ville, nos sociétés sont urbaines et sont en train de s'urbaniser. C'est le cas de la Chine avec plus de la moitié de la population qui vit dans les villes. La France s'est urbanisée il y a déjà quelques temps. Mais nous sommes comme la Chine : la France a une origine paysanne. Nous sommes des descendants des paysans. Et donc, l'urbanisation, nous essayons de la regarder pour que la ville soit la plus agréable que possible. C'est à dire, avec un habitat agréable, avec un environnement agréable, avec des transports, avec des eaux matériaux, une ville propre, le traitement des déchets, tout ce qui recouvre l'économie verte. Tous ces domaines font que nous pouvons travailler ensemble, c'est ce que nos présidents ont décidé pendant l'année du cinquantième anniversaire. Et ça c'est très important de l'avoir en tête. Enfin, il y a quelque chose de très important, qui existe aussi, qui a été décidé pendant la visite du président Xi Jinping, c'est que nous avons non seulement un dialogue stratégique global, et un dialogue économique et financier, mais nous avons aussi maintenant un dialogue sur les échanges humains. Entre la France et la Chine, d'un côté c'est Madame Liu Yandong, vice Premier ministre, de l'autre côté, c'est le ministre des affaires étrangères, Monsieur Laurent Fabius. Quelle est l'idée ? C'est là aussi de s'intéresser aux hommes et aux femmes de nos pays. C'est à dire, les échanges culturels, les échanges humains, parce que nos relations reposent sur un socle culturel, nous sommes de grandes nations culturelles, la Chine et la France. Il faut que les hommes se connaissent. Pour qu'ils se connaissent, il faut qu'ils se déplacent, il faut qu'ils bougent chez l'un et chez l'autre. Nous sommes entrés dans une dynamique de travail pour essayer de faciliter la mobilité des personnes. Je crois que c'est très important d'avoir en tête que l'année dernière a été un tournant, une nouvelle étape de la relation franco-chinoise à la suite de la visite du président Xi Jinping et des décisions prises. Ce qu'il faut surtout avoir en tête et qu'on a vu l'année dernière, c'est que les relations entre nos deux pays, sont des relations entre Etats, décidées par les présidents et leurs gouvernements. C'est d'abord une relation entre hommes et femmes. Donc il faut se connaître, s'estimer, se comprendre. C'est une grande tâche que nous avons commencée il y a cinquante ans, et que nous allons continuer ensemble entre les Français et les Chinois, en nous aidant de la culture en particulier.

Q : Depuis l'an dernier, la Chine observe un ralentissement de la croissance de l'économie, et qui entre dans une nouvelle phase, la nouvelle normalité. Que pensez-vous du réajustement de la vitesse de la croissance économique chinoise? Et par là, la Chine continue et continuera à faire la contribution commerciale et financière au monde entier, qu'en pensez-vous ?

Comme je l'ai dit, la Chine est devenue un membre à part entière et un membre important et même essentiel de l'économie globale du monde. La croissance chinoise, nous la connaissons, elle a été fulgurante pendant des décennies. Aujourd'hui, il y a un ralentissement de la croissance, mais quand même une belle croissance que beaucoup de pays aimeraient avoir. Ce qui est important, c'est de voir que dans ce contexte, la Chine continue à être un membre de la communauté internationale, la Chine prend des décisions pour elle-même. Je ne vais pas les commenter, ce sont des décisions, comme vous dites, de la Nouvelle Normalité décidées par le gouvernement chinois. C'est la souveraineté du gouvernement chinois de décider de ces mesures. Ce qui m'intéresse, moi, c'est de voir les décisions qui sont prises par la Chine concernant, par exemple, la nouvelle Route de la Soie. Ça nous intéresse, en tant que Français, de voir ces chemins de croissance qui vont irriguer le monde, la Route de la Soie maritime, la Route de la Soie terrestre. C'est important pour nous de voir aussi les instruments qui sont mis en place pour accompagner tout cela. Je pense, en particulier, à la Banque asiatique pour les investissements, l'AIIB, mise en place par la Chine, à laquelle la France, après discussion avec ses partenaires européens, a décidé d'être membre fondateur. Ce sont des étapes très importantes. Je suis très confiant dans la manière dont l'avenir se trace. La Chine a décidé d'approfondir des réformes dans la ligne que Monsieur Deng Xiaoping avait décidée et que le président Xi Jinping a décidé de poursuivre. C'est la décision de la Chine. Nous faisons des réformes aussi en France, c'est très important, parce que la France aussi doit s'adapter au monde. La France fait des réformes sur son marché du travail, sur ses dépenses publiques, des réformes qui l'amènent à être apte et champion dans la mondialisation et à trouver des grands partenaires comme la Chine. Nous sommes un peu dans le même bateau de la croissance et de la globalisation.

Q : A la fin du mois dernier, la France a annoncé son intention de rejoindre la Banque asiatique d'Investissement pour les Infrastructures (BAII) en tant que membre fondateur potentiel, et jusqu'à présent, on compte au total 56 pays pour être membre fondateur potentiel. Pourquoi cela attire tant l'attention des pays et comment la France pourra telle en profiter ?

Nous pensons que la Banque asiatique pour les investissements d'infrastructure est une nécessité. La Chine a eu cette idée, qui est une bonne idée, une bonne initiative, parce qu'il y a de grands besoins en Asie et dans le reste du monde. Donc, il est utile d'unir toutes les forces pour travailler dans cette direction. La France est entrée comme membre fondateur. Nous savons que nous sommes dans la phase de négociation qui permet de configurer et de donner la forme de la banque. Nous attachons une grande importance à tous les critères de gouvernance de la banque, sa sécurité, la soutenabilité des clients et du projet, il faut que ce soit une banque qui fonctionne et elle fonctionnera, nous en sommes persuadés. Nous travaillons avec nos partenaires : plus de cinquante pays qui sont maintenant dans cette banque. C'est un projet d'avenir et nous voulions y être présents.

Q : Cette année, on va commémorer le 70ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme vous avez travaillé à Berlin en tant qu'ambassadeur de France en Allemagne, comment avoir une responsabilité et attitude face à l'histoire et vers la future ?

J'ai travaillé en Allemagne et je suis issu de la première génération de Français qui n'a pas fait la guerre contre les Allemands. C'est la première fois dans l'histoire qu'il y a une génération qui n'a pas fait la guerre contre les Allemands. Donc la paix, c'est quelque chose de très précieux. Ce qui est important, c'est la paix, mais c'est aussi de regarder son voisin. Le voisin a fait des fautes, le voisin a reconnu ses fautes. Le Général de Gaulle, toujours lui, en 1963, avec le traité des Elysée, a tendu la main au voisin. Le Général de Gaulle, pour tendre la main au voisin, c'est appuyer sur les échanges des hommes et des femmes de chaque côté des frontières, les jumelages notamment entre les villes. La France et l'Allemagne sont les deux pays au monde qui ont le plus grand nombre de jumelages de villes. Nous nous sommes donc réconciliés avec les Allemands, et avec eux nous avons construit l'Europe. Nous sommes le socle de l'Europe, alors que nous sommes les deux pays qui avons fait la guerre pendant des siècles. Et qui avons déclenché deux guerres mondiales. Nous commémorons avec les Allemands, régulièrement. Nous commémorons dans le souvenir de ceux qui sont morts. Nous commémorons pour que jamais la guerre ne recommence. Reconciliés, nous commémorons ensemble pour regarder l'avenir ensemble. C'est comme ça que j'ai travaillé avec les Allemands, et c'est ainsi que les Français travaillent.

Q : Chaque jour, de quelle manière avez-vous des informations sur la Chine? Et vous lisez le Quotidien du Peuple ou d'autres journaux? En dehors de votre travail comment passez-vous votre temps de loisir ?

Evidemment je ne lis pas le mandarin mais je lis la presse chinoise en langue étrangère, anglaise principalement. J'ai une équipe autour de moi qui lit le chinois et qui m'informe et je fais très attention à ce qui est écrit dans la presse chinoise. Je suis informé tous les jours de tout ce qui se dit, de tout ce qui est relayé comme nouvelle importante et de la manière dont elles sont exprimées. Je pense que je suis bien informé, car je circule beaucoup dans le pays. Je vais du nord au sud, d'est en ouest. Je vais du Jilin au Yunnan, de Mongolie intérieure à Hongkong, à Guangzhou. Donc, je voyage partout et je rencontre beaucoup de gens. Je rencontre beaucoup de Chinois, je rencontre beaucoup de responsables, dans les provinces, dans les villes, je rencontre des responsables de l'économie, des universitaires et des académiciens, et j'apprends toujours beaucoup de choses. Mais la Chine est un immense continent, donc, il faut apprendre tout le temps. Quant à mes loisirs, mon loisir principal, c'est de regarder. c'est de voir les belles choses qu'il y a en Chine, la diversité, la variété, la vie, le désir de vie, le désir de faire plus, le désir d'aller de l'avant qui existent en Chine, regarder les gens dans les lieux artistiques, regarder les gens dans les lieux culturels, dans la rue, observer cette activité permanente, fait partie de mon plaisir et de mon travail .

Q : Que racontez-vous comme anecdotes à vos amis quand vous rentrez en France?

J'essaye de raconter la Chine, mais c'est difficile à raconter. Parce que la Chine est immense, c'est le côté industrieux de chacun, ce sont les contrastes très difficiles à comprendre, une extrême modernité et une extrême tradition. La Chine c'est le nord et le sud, ce sont les contraires... Tout est possible en Chine, donc c'est difficile à expliquer, mais ça fait souvent de belles histoires.

Q : Alors, quelle ville vous intéresse le plus? La grande ville ou la petite ville ?

Moi, j'aime bien les grandes villes et j'essaye d'y retrouver les quartiers traditionnels, ceux qui montrent l'histoire, la continuité de l'histoire chinoise, qui est une histoire tellement longue, tellement ancienne. Il y a toujours ici ou là, un temple, une maison ancienne, un lieu historique, j'ai été par exemple à Chengdu, voir la maison du poète Du Fu. On a refait sa chaumière à Duanzhou. Ce sont des artisans qui ont fait ça, il y a des poèmes qui sont affichés dans une galerie, sur des bois différents, dans des calligraphies différentes, ça m'intéresse. Ce sont des choses qui montrent la culture chinoise, il y a tellement de ressources en Chine, je suis également dans le Yunnan où il y a de très belles choses. Je suis allé à Shenyang où j'ai vu de très beaux tombeaux Ming… je ne suis jamais déçu… A Nanjing, j'ai vu la maison de Sun Yat-sen, c'est aussi passionnant. Le site est magnifique et il y a des tombeaux d'empereurs, c'est infini.

Q : Avez-vous encore quelques mots à dire aux lecteurs ?

Je voudrais dire à vos lecteurs que ce qui est important, c'est de regarder la France, la France est un pays ami, la France est un pays qui aime la Chine, les Français veulent en savoir toujours plus sur la Chine, et la France dit aussi aux Chinois : venez nous voir. Vous êtes les bienvenus, venez faire du tourisme chez nous, venez découvrir notre diversité, notre variété, notre culture, venez faire des études en France, venez faire de la recherche en France, la France est un pays de tradition et de modernité comme la Chine, et donc, nous sommes faits pour nous entendre.

 

Source: le Quotidien du Peuple en ligne



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