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Publié le 20/08/2015
L'impact profond de la réconciliation franco-allemande sur l'Europe après la Seconde Guerre mondiale

Note de la rédaction : Cette année marque le 70e anniversaire de la victoire de la Guerre de résistance du peuple chinois contre l'agression japonaise et de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Différents pays du monde organisent des commémorations solennelles à cette occasion. Shen Xiaoquan, chercheur au Centre d'études internationales attaché à l'Agence Xinhua, revient dans cet article sur l'impact profond de la réconciliation franco-allemande sur l'Europe après la Seconde Guerre mondiale.

La France est l'un des pays vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, tandis que l'Allemagne était un pays vaincu. Après la fin de la guerre, ces deux grands pays européens, autrefois pleins de rancune, se sont alliés. Comme le montre l'histoire depuis 70 ans, l'alliance franco-allemande a permis d'éviter efficacement une résurrection du militarisme allemand, d'assurer la paix et la stabilité durables en Europe et de faire progresser sans cesse le processus d'intégration européenne. L'alliance franco-allemande a eu un impact extrêmement profond sur l'Europe de l'après-guerre.

Le règlement pacifique de la question de la Sarre

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement français avait envisagé de démembrer l'Allemagne pour éviter une résurrection du nazisme. Selon un plan conçu par les trois grands alliés qu'étaient les Etats-Unis, l'ancienne URSS et le Royaume-Uni, l'Allemagne et Berlin devaient être divisés en 4 zones, qui seraient respectivement occupées par les Etats-Unis, l'ancienne URSS, le Royaume-Uni et la France. Pour satisfaire à la demande de cette dernière, les Etats-Unis ont admis l'autonomie de la région de la Sarre, qui quitterait l'Allemagne et serait rattachée à la France sur le plan économique. Depuis lors, la question de la Sarre a été un grand sujet de litige entre la France et l'Allemagne.

Située sur la frontière sud-ouest allemande, tout près de la région française d'Alsace-Lorraine, la région de la Sarre était le deuxième exportateur européen de charbon brut. Elle avait quitté l'Allemagne sur le plan politique en 1947 et formé une alliance monétaire et fiscale avec la France. Cette dernière a pris en main non seulement le point vital et les ressources des mines de charbon de la région, mais aussi sa défense et ses affaires diplomatiques.

Or, avec le renforcement de son indépendance politique et de sa puissance économique, l'Allemagne fédérale demandait avec de plus en plus d'insistance de récupérer sa souveraineté sur la Sarre, à tel point que la région était devenue pendant un certain temps après la Seconde Guerre mondiale, le principal obstacle au développement des relations franco-allemandes. Par conséquent, le gouvernement français avait deux choix : soit une confrontation qui conduirait à une prolongation de la rancune entre les deux pays et qui les plongerait dans une dispute territoriale et la menace d'une nouvelle guerre ; soit la réconciliation, qui contribuerait à la fin des conflits territoriaux, à l'élimination de la rancune et à la réalisation d'une paix durable à travers la coopération. En tenant compte des changements intervenus dans le rapport de force, de ses propres intérêts et des intérêts à long terme de l'Europe, la France a choisi la réconciliation. C'est ainsi que les deux parties sont parvenues à un accord à l'issue de multiples négociations sur la question de la Sarre en juin 1956, date marquant le retour de la région en Allemagne sur le plan politique et économique. L'Allemagne, quant à elle, a promis de fournir à la France le charbon dont cette dernière avait besoin pour son développement économique et d'accorder des avantages à la Moselle en tant que région frontalière, afin de faciliter l'expansion de l'industrie de la Lorraine vers le sud-ouest de l'Allemagne.

Le plan Schuman donne satisfaction aux deux parties

La question de la Sarre a finalement été résolue définitivement grâce à la conception de la Communauté franco-allemande du charbon et de l'acier. A l'époque, l'économiste français Jean Monet avait avancé l'idée d'une gestion conjointe par la France et l'Allemagne des secteurs du charbon et de l'acier, et la suppression des obstacles douaniers et de transport dans ces secteurs. Cette idée a été d'une grande importance, tant sur le plan économique que sur le plan politique. Du point de vue économique, la coopération renforcée franco-allemande dans ces domaines permettait d'assurer les intérêts économiques des deux pays, et du point de vue politique, les deux pays comptaient endiguer et contrôler, par leur gestion conjointe, la mise en valeur des ressources fondamentales pour les secteurs de l'armement.

L'idée d'établir un partenariat franco-allemand sur le charbon et l'acier a été soutenue par Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères. Il a formellement lancé, dans une déclaration publiée le 9 mai 1950, l'initiative de placer l'intégralité de la production de charbon et d'acier des deux pays sous la gestion d'un organisme de direction supranational, et de créer une communauté du charbon et de l'acier. Il a également proposé d'ouvrir le projet aux autres pays européens. Voici l'origine du plan Schuman.

Ce plan a immédiatement trouvé un écho favorable dans d'autres pays d'Europe de l'Ouest. En avril 1951, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont officiellement signé un traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), stipulant la mise en place d'un marché commun du charbon et de l'acier entre les six pays, la suppression des droits de douane internes, ainsi que l'intervention conjointe et la coordination de la production et des prix du charbon et de l'acier.

Au fil des années, les six pays ont pris conscience de la nécessité de faire progresser l'union de l'Europe de l'Ouest par l'intégration européenne, et cela, non seulement dans des secteurs spécifiques tels que le charbon et l'acier, mais également dans l'ensemble de l'économie. La signature officielle à Rome en mars 1957 du traité instituant la Communauté européenne, marque la création formelle de cette communauté. Depuis, l'Europe est engagée sur une voie d'intégration économique.

Les observateurs internationaux ont salue le plan Schuman, estimant qu'il s'agissait d'un changement important dans la politique française à l'égard de l'Allemagne. La France a préparé, dans le contexte marqué par la tentative américaine de soutenir et de faire renaître l'Allemagne, un plan susceptible de donner satisfaction aux deux parties, tout en cherchant à pourvoir aux besoins des Etats-Unis et à prévenir un retour militariste de l'Allemagne. Le plan Schuman doit son originalité au fait que l'essence de la Communauté européenne du charbon et de l'acier n'est autre que le transfert par les pays membres de la souveraineté de ces secteurs industriels, car cela touchait à la conception traditionnelle de la souveraineté étatique et créait un précédent dans l'histoire des pays et des nations.

Lancement formel de l'alliance franco-allemande

Après la défaite de son plan visant à démembrer l'Allemagne, le gouvernement français a pris une nouvelle direction et s'est mis à chercher une réconciliation. Le 14 septembre 1958, le président français Charles de Gaulle et le chancelier allemand Konrad Adenauer ont eu une première rencontre, marquant la réconciliation historique des deux « anciens ennemis héréditaires ». Le 22 janvier 1963, le traité d'amitié franco-allemand a été signé au Palais de l'Elysée. Il est aujourd'hui connu sous le nom de traité de l'Elysée. La signature de ce document a marqué la fin de l'hostilité historique et des combats entre la France et l'Allemagne, et le lancement formel de leur alliance.

Selon le traité de l'Elysée, « les deux gouvernements se consulteront, avant toute décision, sur toutes les questions importantes de politique étrangère, et en premier lieu sur les questions d'intérêt commun, en vue de parvenir, autant que possible, à une position analogue. Sur le plan de la stratégie et de la tactique, les autorités compétentes des deux pays s'attacheront à rapprocher leurs doctrines en vue d'aboutir à des conceptions communes. » Cela prouve que les relations franco-allemandes, dépassant de loin les relations d'amitié bilatérales, constituent une alliance portant sur leur coopération stratégique sur tous les plans.

L'alliance franco-allemande était d'une grande nécessité pour la France. L'Allemagne, en tant que géant économique émergent, représentait une menace potentielle pour la France. L'Allemagne, en tant que « nain politique » pour des raisons historiques, avait besoin d'un « protecteur » sur la scène internationale. Pour éviter de voir l'Allemagne basculer totalement dans le camp des Américains, la France a tenté de l'influencer et de l'intégrer dans sa politique européenne à travers une alliance politique. De toute évidence, cela était un choix judicieux.

L'examen de conscience de l'Allemagne

L'alliance franco-allemande est aussi un choix stratégique fait par l'Allemagne après avoir procédé à un profond examen de conscience sur son passé après la Seconde Guerre mondiale. Les différents dirigeants allemands ont tous ouvertement reconnu que Hitler avait déclenché une guerre d'agression et commis le massacre de 6 millions de Juifs. Cette attitude a permis à l'Allemagne de gagner la confiance politique de la France et du reste de la communauté internationale. Cela constituait un préalable politique à la réconciliation franco-allemande et à leur alliance.

Les différents dirigeants allemands ont eu le courage de faire un examen de conscience et de prendre des actions concrètes pour éviter que le passé ne se reproduise. Le président français Charles de Gaulle a avancé trois conditions pour l'alliance franco-allemande. Premièrement, la reconnaissance des frontières européennes d'alors. Deuxièmement, l'engagement de l'Allemagne à ne jamais posséder d'armes nucléaires. Troisièmement, une attitude patiente à toute épreuve sur la question de l'unification de l'Allemagne. A cet égard, le chancelier allemand Konrad Adenauer a promis explicitement de respecter les frontières définies après la guerre, d'abandonner le droit de posséder des armes nucléaires, de placer 500 000 militaires allemands sous le commandement de l'OTAN, d'appliquer rigoureusement une politique à caractère défensif et d'accepter le stationnement des forces armées de l'OTAN sur le territoire allemand.

Dans ses relations avec la France, l'Allemagne s'est montrée raisonnable et rationnelle, car elle était consciente du fait que l'Europe était une véritable issue pour elle et qu'il lui serait difficile de participer à la construction européenne sans une coopération étroite avec la France, dont le rôle politique était indéniable. Dans le processus de promotion du développement européen, l'Allemagne a toujours su faire profil bas, accordant une plus grande visibilité politique à la France. L'ancien chancelier Helmut Kohl a dit en privé que son pays laissait toujours la priorité à la France dans les affaires européennes, et que les affaires ne se réglaient qu'après les propositions françaises, même si l'initiative avait été lancée par l'Allemagne.

Pour l'Allemagne, l'alliance franco-allemande est le meilleur choix qui lui a permis de se débarrasser de l'ombre de la Seconde Guerre mondiale pour retourner au sein de la communauté internationale, de s'intégrer en Europe pour développer son économie et de jouer le jeu de l'équilibre entre l'Europe et les Etats-Unis pour préserver ses intérêts nationaux.

(Traduction d'un article en chinois rédigé par M. Shen Xiaoquan, maître de recherches au Centre d'Etude des problèmes mondiaux, de l'agence de presse Xinhua.)

 

Source: french.china.org.cn



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