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Publié le 29/06/2015
Un bijoutier français en Chine : une « perle rare » !

 

Rencontre avec Nicolas Favard, joaillier à Beijing depuis 2004.

ANAÏS CHAILLOLEAU, membre de la rédaction

 

« Diamonds are a girl's best friends! » scandait Marilyn Monroe. Mais pour Nicolas Favard, un bijou n'est pas un simple objet de valeur à des fins décoratives : il s'agit d'un « dialogue entre matières, sensualité et sentiments » qui devient réellement un « moyen d'expression » pour celui qui le porte.

 

Des années d'expérience

Dès sa plus tendre enfance, Nicolas se passionne pour l'art de la joaillerie. À l'âge de 16 ans, il devient apprenti dans sa ville natale de La Rochelle et entame ainsi sa formation de bijoutier auprès d'un maître, durant cinq années. Il complète ensuite son apprentissage à l'AFEDAP (école de formation aux métiers de la bijouterie), où il est amené à réfléchir notamment sur l'essence même d'un bijou. À ce moment-là, il s'initie à la fabrication de bijoux dits contemporains, c'est-à-dire des pièces qui ne se contentent pas de matériaux précieux assemblés, mais qui repoussent les limites de la création.

En 2001, avec ce bagage, il décroche une opportunité de stage à Hanoi, au Vietnam. « Pour moi, ce fut une première rencontre avec l'Asie, un continent qui me passionnait mais dans lequel je n'aurais jamais imaginé vivre. » Puis, en 2004, le destin le conduit à Beijing. À l'époque, il n'envisageait pas d'y ouvrir une boutique : il était simplement curieux de la Chine, de la langue et de la culture du pays. Mais pour rester, il fallait bien démarrer une activité.

« Je songeais à trouver un poste de maquettiste bijoux, mais le marché n'était pas assez développé. Donc finalement, je me suis mis à dispenser des cours d'anglais et de joaillerie à Beijing Institute of Clothing Technology puis à Central Academy of Fine Arts, tout en commençant des projets de création. » En 2008, il fonde sa première boutique à Sanlitun, puis transfert à la fois point de vente et atelier dans ce même quartier en juin 2010, à dessein d'optimiser son temps.

Des pièces authentiques

« De mon point de vue, fusionner boutique et atelier est un réel avantage, permettant de mettre en valeur l'authenticité des pièces et le travail minutieux se cachant derrière chacune. Il me semble aussi que la plupart des clients sont curieux de voir le processus de création des bijoux », justifie-t-il alors qu'il nous accueille dans sa « seconde demeure ». Toutefois, il reconnaît que le fatras des outils au fond dénote un peu l'aspect luxueux des colonnes vitrine à l'entrée, là où bagues, boucles d'oreille, pendentifs, bracelets et autres rivalisent de beauté !

Nicolas ne se limite à aucune forme, aucun style, aucun ton. « Je ne cherche en aucun cas à suivre les soi-disant tendances décrites dans les magazines de mode. Je crée selon mes envies. Généralement, le concept naît d'un sentiment, que je tente de retranscrire en combinant harmonieusement formes, couleurs et matières. Chaque fois, je vise comme objectif de réaliser un bijou portable qui raconte une histoire unique. »

Nicolas s'applique également à donner corps aux envies de ses clients. « Outre mes créations personnelles, une partie de mon travail est consacrée aux commandes. Les gens viennent avec une idée plus ou moins précise de ce qu'ils voudraient comme pièce, généralement pour une occasion spéciale. Ils m'éclairent sur la personnalité et le style du porteur en apportant par exemple des photos des vêtements, bijoux et mains de ce dernier. Il est essentiel de mener un dialogue approfondi avec le client pour cibler la demande avec précision. »

Une pièce peut demander 3 h à une semaine de travail, et le prix varie entre 500 et plusieurs dizaines de milliers de yuans, selon les matières, le temps passé et la complexité. Toutefois, pour Nicolas, la valeur sentimentale prime sur la valeur financière : « Je ne veux pas que les bijoux que je crée servent d'investissement : je veux avant tout qu'ils soient portés avec plaisir et qu'ils soient porteurs d'un sens particulier. »

Témoin du développement de la Chine

« Au lancement de ma boutique, mes clients étaient exclusivement étrangers. Mais depuis près d'un an et demi, je constate que la tendance s'inverse : aujourd'hui, les acheteurs sont à 60 % Chinois et à 40 % étrangers. » Il note également une différence de consommation entre les deux catégories. « En temps normal, les étrangers sont prêts à mettre la main au porte-monnaie pour obtenir un bijou authentique. Les Chinois, eux, regardent plus à la dépense, mais néanmoins, reviennent plus régulièrement à la boutique. »

Ces observations démontrent à quel point l'essor économique de la Chine a permis de rehausser le niveau de vie de la population. Ce développement spectaculaire de la Chine, Nicolas précise qu'il ne l'avait pas anticipé : « Tout a changé ! Quand je suis arrivé dans le pays, tout était en construction, les routes étaient en mauvais état, des paysans vendaient leurs fruits à l'arrière d'une carriole... Aujourd'hui, la ville a clairement rattrapé son retard sur les capitales des pays développés. » Et d'ajouter en plaisantant : « Je trouve aussi que les filles sont mieux habillées de nos jours. Et puis, elles sont plus rayonnantes, puisqu'elles portent mes bijoux ! »

D'après lui, le secteur de la joaillerie a également grandi en Chine. « Auparavant, j'allais chercher mes matières premières sur un “pauvre marché de cailloux”. Désormais, je connais de nombreux fournisseurs chinois. Quelles que soient la taille et la forme de la gemme que je recherche, je suis sûr de pouvoir la trouver, ce qui n'était pas le cas jadis. Par ailleurs, les vendeurs sont nettement plus professionnels : on sent qu'ils savent de quoi ils parlent dorénavant. »

D'ailleurs, les artisans joaillier comme lui ne faisaient pas légion à son arrivée. Seules de grosses enseignes comme Cartier monopolisaient le marché. Mais la situation change... « Les petits créateurs commencent à faire parler d'eux. Je ne vois pas ce phénomène comme un risque de concurrence à vrai dire, mais comme une émulation : les Chinois sont de plus en plus curieux de notre art, et de plus en plus se forment au métier... Ils donnent ainsi d'autant plus de valeur à notre savoir-faire. »

Aujourd'hui, Nicolas Favard peut encore se considérer comme une « perle rare », car les joailliers étrangers qui montent leurs affaires en Chine ne courent pas les rues... « J'en connais 3-4, mais la plupart opèrent davantage dans le domaine commercial qu'artisanal à proprement parler. » Lui n'a jamais voulu faire de la gestion, mais de la création !

Nicolas a le cœur qui balance entre son pays d'origine et son pays d'adoption. Il envisage de rentrer en France dans quelques années, mais avoue que beaucoup de liens le retiennent en Chine. « Quoi qu'il en soit, je vois mon parcours en Chine comme un atout pour le futur. Même depuis la France, je conserverai des contacts et pourrai travailler en collaboration avec d'autres créateurs. Grâce à mon expérience, je pourrai servir de pont entre la Chine et la France dans le secteur de la bijouterie. »

 

Source: le Quotidien du Peuple en ligne

 



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