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Publié le 26/08/2015
Le discours de Shinzo Abe creuse un nouveau fossé

Shi Yongming

Les propos de Shinzo Abe 70 ans après la fin de la guerre ont été attentivement écoutés en Chine comme à l'étranger et ont fait l'objet d'une grande controverse. La question peut se poser en ces termes : quelle est l'attitude du premier ministre japonais à l'égard de l'histoire ?

Quand Shinzo Abe est revenu au pouvoir, il a fait savoir que son discours sur les questions historiques se substituerait à ceux des précédents dirigeants japonais comme Murayama Tomiichi. M. Abe n'a cessé de souligner que le terme « agression » n'a pas une définition universelle, qu'il conteste la légitimité des jugements sur les criminels de guerre rendus par le Tribunal de Tokyo et qu'enfin, il nie que l'Armée impériale japonaise a recruté de force des « femmes de réconfort ». De tels propos vont ouvertement à l'encontre de l'ordre international en vigueur depuis la Seconde Guerre mondiale et du sens moral. Qu'est-ce qui pousse Shinzo Abe à tenir de tels propos ?

La communauté internationale ne peut l'accepter. Ainsi, au dernier moment, le Cabinet japonais a-t-il revu le discours de Shinzo Abe et mentionné les excuses passées.

Ce qui est crucial, cependant, c'est que M. Abe ne s'est pas excusé lui-même. Si l'on regarde son discours de plus près, sur la question des excuses, ce qu'il veut dire, c'est que le gouvernement japonais s'est déjà excusé à maintes reprises et que lui-même et les Japonais nés après la guerre ne sont pas dans l'obligation de s'excuser à nouveau, que les pays qui ont subi les souffrances doivent pardonner et ne plus demander au Japon de s'excuser.

Le nœud du problème, du point de vue historique, c'est de savoir si ce sont vraiment les pays victimes de l'agression comme la Chine et la Corée du Sud qui ne laissent rien passer au Japon ? Après la guerre, la Chine et la Corée du Sud n'ont pas eu cette attitude, mais il a fallu attendre après les années 1980, quand les contradictions sur le plan historique n'ont cessé de s'exacerber. C'est à mettre principalement sur le compte de la pensée de la droite conservatrice japonaise, qui voulait faire du Japon une grande puissance politique. Ainsi, en se créant une image pacifique, le Japon a tenu à rendre hommage au sanctuaire Yasukuni, à réviser des manuels d'histoire et à récuser la thèse de l'agression pour s'embellir, au lieu de se repentir de son passé d'agression et de colonisation pour obtenir la reconnaissance des pays qui ont souffert. Certaines personnalités politiques de premier plan de la droite, notamment des premiers ministres et hauts fonctionnaires japonais, ont mis de l'huile sur le feu. Ils ont non seulement sérieusement blessé les sentiments des populations des pays qui ont été victimes, mais ils ont aussi contraint les gens à regarder avec suspicion la direction du développement du Japon. Quand ces propos erronés et ces initiatives fautives créent des remous, les excuses du premier ministre japonais à l'égard du Japon et de la Corée du Sud deviennent des conditions nécessaires pour rétablir la confiance politique. Ce n'est pas que la Chine et la Corée du Sud ne laissent rien passer au Japon, mais plutôt que la droite japonaise crée sans cesse un nouveau psychodrame sur les questions historiques. Par ailleurs, dans le contexte où la révision des livres d'histoire se poursuit, le fait que le Japon ne s'excuse pas signifie que la perspective historique erronée sera transmise aux plus jeunes dans les écoles.

Il faut aussi indiquer qu'en mentionnant les morts des pays victimes de l'invasion japonaise, M. Abe n'a évoqué que ceux qui sont « morts dans les combats ou en raison de l'insuffisance de nourriture », omettant ainsi les civils qui ont péri dans les massacres perpétrés par l'Armée impériale. Il évite ainsi de parler de la politique de la terre brûlée mise en œuvre sur le champ de bataille en Chine et les crimes contre l'humanité commis de sang-froid lors du massacre de Nanjing, indiquant qu'un poids important des souffrances durant la guerre a été supporté par le Japon lui-même.

Par ailleurs, M. Abe s'efforce une nouvelle fois de semer la confusion sur la question de l'agression. Non seulement il détache le lien entre l'histoire du Japon et l'agression, mais aussi il confond d'un côté « agression » et de l'autre « résolution des différends internationaux par les forces militaires », deux actes pourtant de nature totalement différente. C'est ainsi qu'il minimise le rôle d'agresseur dans l'histoire du Japon, tout en se drapant dans un pacifisme militant. En juxtaposant enfin la Chine et Taïwan comme deux pays, il expose les intentions stratégiques qui s'abritent derrière un tel pacifisme.

Dans son discours, M. Abe parle de nouveau du pacifisme du Japon depuis la fin de la guerre et se pare des valeurs soi-disant de « liberté et démocratie ». Dans les faits, M. Abe ignore l'avis des Japonais, piétine la constitution pacifique du Japon et détruit le constitutionalisme jugé comme fondement démocratique. A la Diète, il a fait passer de force un projet de loi sur la sécurité, faisant de nouveau prendre au Japon la voie de la guerre. Si les Etats-Unis ont salué les propos de M. Abe à des fins politiques, les pays voisins du Japon y voient la création d'un nouveau fossé.

Shi Yongming, chercheur adjoint de l'Institut d'études internationales de Chine

 

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