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Publié le 19/06/2015
Le prix d'un bon investissement

Mei Xinyu

Promotion du Club Med à Shanghai le 31 mars 2015

 

Alors que les investissements directs (IDE) de la Chine vers l'Europe continuent de croître, certains pays européens s'interrogent sur la validité des prix auxquels sont vendus leurs actifs.

D'après les statistiques, la Chine a réalisé en 2013 pour près de 4,52 milliards de dollars en IDE vers l'Europe. Le 10 février 2015, le Financial Times publiait dans un rapport, que ceux-ci avaient quadruplé l'année suivante, atteignant les 18 milliards de dollars US en 2014.

Dans un contexte de mesures d'assouplissement quantitatif de la part de la Banque centrale européenne (BCE) et d'un euro faible, les IDE, notamment en provenance de la Chine, ont été stimulés, du fait d'une baisse de prix dans les actifs européens et de leurs coûts de financement.

Depuis 2015, les IDE chinois ont continué de croître et les entreprises chinoises ont réalisé deux acquisitions majeures en Europe. Début janvier, Fosun International s'est assuré le rachat du Club Méditerranée, et à la fin mars, la firme China National Chemical Corp. (ChemChina) fit l'acquisition de Pirelli, le 5e plus grand fabricant de pneumatiques au monde pour 7,1 milliards d'euros.

Les médias européens ont largement condamné ces montants jugés trop faibles pour ces acquisitions. Les mesures européennes actuelles d'assouplissement quantitatif ont créé de nombreuses opportunités pour les investisseurs extérieurs, notamment les investisseurs chinois, ce qui multiplia encore les attaques. Ainsi, le rachat du Club Med par Fosun fut interprété en France comme faisant partie d'un agenda politique, créant la polémique et entraînant un long dossier de fusion.

Les investisseurs chinois offrent-ils vraiment des prix dérisoires ou des termes de contrat hostiles? Les équipes de direction des entreprises en question ont pourtant un tout autre point de vue sur la question.

Le Club Med espérait être racheté par les investisseurs chinois depuis le moment où sa vente avait été envisagée. Et en ce qui concerne l'acquisition de Pirelli par ChemChina, le fabricant italien considéra qu'il s'agissait de la meilleure transaction possible et du meilleur moyen pour éviter la dissolution de l'entreprise. La négociation reçut même l'accord tacite du premier ministre italien, Matteo Renzi.

Aussi difficile que cela soit à accepter, l'accueil d'investisseurs chinois semble être la meilleure option pour ces entreprises. Il est impossible d'ignorer le fait que la Chine est désormais un marché touristique international avec tout le potentiel que cela implique. En 2013, les touristes chinois ont dépensé quelque 128,6 milliards de dollars US à l'étranger et en 2014, les citoyens de la partie continentale de la Chine ont réalisé plus de 100 millions de voyage à l'étranger. De son côté, le marché touristique européen est en berne. Le Club Med était frappé d'immobilisme commercial ces dernières années ; le marché chinois est capable de lui apporter la croissance, dont il a désespérément besoin. Le Club Med a besoin d'un investisseur chinois, qui lui ouvre la porte du marché chinois. En ce qui concerne Pirelli, la Chine est devenue le plus grand constructeur automobile au monde et le plus grand marché pour des ventes. Son investisseur chinois peut l'aider à profiter de cette situation et à évoluer.

D'un point de vue strictement entrepreneurial, les acquisitions du Club Med par Fosun, de Pirelli par ChemChina, ou de toute autre entreprise par de grandes sociétés chinoises, sont bénéfiques aux Etats européens. Leurs peurs sont infondées, car ils ne perdent rien dans ces transactions.

Il est facile de voir d'après les prix de transaction, que ce sont les acheteurs chinois qui devraient se poser des questions sur ces prix excessivement élevés. Leurs offres étaient bien plus hautes que leurs rivaux.

Dans sa première OPA en mai 2013, Fosun avait offert 17 euros par action, plus que le cours de l'action du Club Med à cette date. Le prix est finalement monté jusqu'à 24,6 euros par action, soit 45 % de plus que la première offre. Lorsqu'elle a acheté Pirelli, ChemChina déboursa un prix par action 23 fois plus élevé que le coefficient de capitalisation des résultats  (PER) de l'entreprise italienne, tandis que le prix des actions des fabricants français et coréen, Michelin et Kumho, n'était respectivement que de 16 et 11 fois supérieur à leur PER.

Les investisseurs chinois proposent des prix exorbitants dans des achats d'actifs européens, et sont peut-être victimes d'une surévaluation de l'attraction des consommateurs chinois pour ces actifs. Il est également possible qu'ils surestiment l'efficacité de production des entreprises européennes et sous-estiment la rigidité du marché du travail en Europe. De fait, les investisseurs chinois surestiment vraisemblablement le potentiel des profits de ces entreprises qu'ils achètent au prix fort.

Lors de son acquisition du Club Med, Fosun invoqua la renommée des loisirs et du mode de vie français, pour justifier leur confiance dans la transformation de telles ressources en profits substantiels. Peut-être s'imaginent-ils que leurs résultats suivront la croissance de la consommation des touristes chinois ? Cependant, en même temps que le pouvoir économique de la Chine s'améliore et que les voyages à l'étranger se multiplient, les consommateurs chinois seront-ils toujours d'accord pour payer un service touristique à l'occidentale, à un prix bien plus élevé que le niveau moyen sur le marché domestique ?

Dans le cas du rachat de Pirelli par ChemChina, nous ne devrions jamais sous-estimer les dégâts causés par la rigidité du système de travail européen sur la productivité.

En 2013, Maurice Taylor, PDG du fabricant de pneumatiques américain Titan, affirmait : « La force de travail française reçoit des hauts salaires, mais ne travaille que 3 heures par jour. » Il continua en disant que son entreprise serait « stupide » de s'embarrasser d'une entreprise française qui bat de l'aile.

Il est clair que le taux de chômage élevé en Europe est à mettre sur le compte d'un système garantissant des hauts salaires et une flexibilité du travail inadéquate. Tout cela entraîne un affaiblissement de la compétitivité internationale des industries européennes. Les entreprises, qui sont encore compétitives, préfèrent quant à elles délocaliser leur production et éviter les conflits sociaux, plutôt que d'investir dans leur propre pays.

Les élites et les populations européennes se sont habituées à ce système. Non seulement ils manquent d'originalité, mais ils critiquent également ceux qui les critiquent. Les propos de Tailor, par exemple, ont provoqué un scandale en France, mais aucune solution ne fut proposée.

Les mauvais investissements dus à des perspectives trop optimistes ou mal-informées sont malheureusement devenues monnaie courante. Après des années de pertes gigantesques, les investisseurs japonais ont dû vendre le Centre Rockefeller de New York. En 2006, la société chinoise CITIC Pacific dépensa 415 millions de dollars US dans l'achat de deux mines en Australie, mais subit des pertes importantes à cause de la chute des prix du minerai de fer.

Les investissements directs de la Chine vers l'étranger bénéficient à la fois au pays d'accueil et au pays d'origine. Nous pensons que les investisseurs chinois doivent payer des prix raisonnables et se garder d'un excès d'optimisme. Nous souhaitons également, que la demande de prix exorbitants et dommageables à toutes les parties, cesse.

L'auteur est chercheur à l'Académie de Chine sur le Commerce international et la Coopération économique.

 

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