Zeng Wenhui

Depuis le 1^er juin, les taxes d'importation ont été abaissées de près de 50 % pour 14 catégories de produits de consommation courante, comme les vêtements, les chaussures, les produits cosmétiques et les couches. Cependant, experts et industriels sont unanimes : la réduction des taxes d'importation n'aura que peu d'influence sur le prix pour le consommateur final.

Ainsi, les taxes sur les costumes et les vêtements en fourrure, qui variaient entre 14 % et 23 %, tournent désormais entre 7 % et 10 % ; les taxes sur les bottines et autres chaussures de sport sont passées de 23 % environ à 12 % ; les taxes sur les couches sont passées de 7,5 % à 2 % ; et les taxes sur les produits cosmétiques, de 5 % à 2 %. Tout cela s'ajoute aux coupes dans les taxes réalisées ces dernières années pour d'autres produits, afin de dynamiser la consommation et d'améliorer les conditions de vie des consommateurs.

A l'annonce de cette mesure, la toile s'était enflammée, imaginant que cet ajustement se ferait ressentir sur le prix de vente au détail. Il semble cependant que ce ne sera pas le cas. Le vice-directeur du département de recherches sur l'économie de la consommation du ministère du Commerce, Zhao Ping, explique : « Cet ajustement est extrêmement important et dépasse les attentes du marché. Par exemple, les taxes sur les produits cosmétiques et les couches sont descendus à 2 %. Cependant, la baisse des prix en magasin dépendra des entreprises les commercialisant et cette baisse ne reflétera vraisemblablement pas la baisse du tarif douanier, ce dernier ne constituant au final qu'un maillon dans la chaîne de coûts des produits d'importation. » En effet, le prix d'un produit d'importation comporte la TVA, la taxe à la consommation, le dédouanement, ainsi que des frais de transport élevés, et la proportion des taxes douanières est de fait relativement faible.

Selon le PDG de Rihua, Zhang Bihua, les produits cosmétiques importés comportent, en plus des taxes douanières, 17 % de TVA et 30 % de taxes à la consommation. Pour les produits de soin pour la peau, les taxes à la consommation ont été supprimées en 2006 et dans l'exemple d'un produit, dont le prix d'importation est de 50 yuans, les droits de douanes sont d'environ 2,5 yuans (si l'on prend les 5 % en vigueur précédemment) et la TVA s'élève à 8,9 yuans, totalisant 11,4 yuans de taxes. Maintenant, si l'on prend en compte la baisse à 2 % des droits de douanes récemment effectuée, le total des taxes atteint alors les 9,7 yuans, enregistrant une baisse effective d'à peu près 2 yuans.

« Au prix d'importation d'un produit et aux taxes auxquelles celui-ci est soumis, s'ajoutent les frais de dédouanement, les frais logistiques et de stockage, la remise fournisseur, ainsi que la prime de référencement des grands centres commerciaux et autres droits d'entrée sur le marché, qui sont autant de frais à la charge de l'entreprise. »

D'après les chiffres du Bureau national des Statistiques (BNS), les taxes d'importation sur des produits comme les soins pour la peau, les vêtements et les chaussures, varient entre 0,4 % et 6,5 % et sont proportionnels au prix de vente au détail. C'est la raison pour laquelle la baisse effectuée sur les frais de douanes n'aura qu'un très faible impact sur les prix de vente au détail.

A titre de comparaison, un ajustement de 30 % sur la taxe à la consommation aurait eu une influence bien plus grande sur les prix. Les produits cosmétiques, comme le maquillage et le parfum, ont par exemple des droits de douane à 10 %, une taxe à la consommation de près de 30 %, auxquels s'ajoute une TVA à 17 %. Ces chiffres se situent dans la moyenne élevée au niveau international. Aux Etats-Unis, ces mêmes produits sont taxés à la vente en fonction du prix de vente, de 5 % à 7 %. Pour Feng Jianjun, analyste chez Rihua, 30 % constituent véritablement le poids lourd des taxes.

Opération marketing pour les grandes marques

Certaines grandes marques comme Estée Lauder, L'Oréal ou encore Shiseido, ont exprimé leur soutien pour cette mesure et annoncé l'ajustement du prix de leurs produits sur le marché chinois.

L'impact de la mesure sur les prix pour le consommateur final est certes relativement faible, mais dans un contexte de performances en baisse et de vieillissement des marques, celle-ci permet d'apporter une justification dans la baisse de prix des produits de grande marque.

L'Oréal a par exemple annoncé le 26 mai, qu'une grande partie des produits exportés à destination de la Chine connaîtraient une baisse de leur prix, afin de stimuler les ventes sur le marché chinois. En réalité, cette baisse de prix pourrait être fortement liée à la baisse des performances de l'entreprise. Le chiffre d'affaires de L'Oréal en Chine pour l'année 2014 a été de 14,3 milliards de yuans, en augmentation de 7,7 % en glissement annuel, mais c'est la croissance elle-même des revenus qui est en baisse. Sur ces 14 dernières années, celle-ci était à deux chiffres et se maintenait, jusqu'en 2013, au-dessus des 10 %. Il semblerait que l'essor des produits de beauté chinois et coréens ait eu un impact non négligeable sur les performances de L'Oréal en Chine.

Ces deux derniers mois, les marques de luxe, dont Chanel, Prada et Dior, ont déjà entamé cette tendance à la baisse des prix et Gucci vient d'annoncer une baisse de 50 % sur ses produits. Les ventes de Prada dans la partie continentale de la Chine ont baissé de près de 6,8 % en 2014 et les ventes mondiales de Gucci au 1^er semestre de cette année ont diminué de 7,9 % en glissement annuel. La Chine est le premier pays consommateur de produits de luxe au monde et la croissance des ventes dans cette zone est un facteur-clé pour l'amélioration des performances globales. Certains prédisent donc que la baisse de prix des produits de luxe finira par devenir la norme en Chine.

Pour Zhang Bihua, « les produits dont le prix final dépasse les 1 000 yuans doivent revoir leurs prix à la baisse, et au final ce réajustement tarifaire des douanes aura eu un effet important sur les prix pratiqués. »

Influence sur le « shopping hors-taxe »

Si ce nouvel ajustement tarifaire n'aura pas d'impact important sur les prix de vente au détail à court-terme, il devrait cependant porter un coup aux activités de « shopping hors-taxe », comme les entreprises de vente depuis l'étranger ou les e-commerces. Le 27 mai, à la suite de l'annonce de la baisse des taxes douanières, le cours de l'action pour la société Jumei.com a chuté de 15 %, sa plus grosse baisse depuis son entrée en bourse au mois de mai de l'année dernière. Selon certains analystes, si Jumei a été si durement touchée par le réajustement tarifaire, c'est que celui-ci concerne l'ensemble de sa gamme de produits.

Aujourd'hui, les douanes chinoises possèdent deux règles pour les produits d'importations. La première concerne les produits d'importation commercialisés dans des magasins de vente au détail, qui sont soumis à la taxe douanière, à la taxe à la consommation et à la TVA à l'importation. La seconde concerne les produits expédiés directement chez un particulier et qui sont soumis aux taxes postales, dont la valeur varie entre 10 % et 50 % en fonction de la nature du produit, la majeure partie étant aujourd'hui taxée aux alentours de 10 %.

En comparaison des entreprises « régulières » dont le droit d'accise approche les 50 %, les entreprises de « shopping hors-taxe » possèdent ainsi un avantage compétitif précieux qui se reflète dans son niveau de prix de vente au détail. Xiao Wang, qui sert d'intermédiaire pour l'achat de produits à l'étranger, redoute qu'une baisse des taxes douanières entraîne une baisse générale des prix, ce qui impacterait sa compétitivité et ses revenus. Cependant, certains consommateurs estiment que, dans tous les cas, certains produits ne sont pas disponibles sur le marché chinois et que le seul moyen de se les procurer consiste à passer par des intermédiaires.

Entraîner un reflux des consommateurs

Ces 14 catégories représentent un taux plus nombreux que les produits habituellement achetés depuis l'étranger. Le 29 mai, lors d'un point presse du Conseil des affaires d'Etat sur cette nouvelle mesure, le vice-ministre des Finances, Shi Yaobin, annonça les raisons pour cet ajustement tarifaire : « Les vêtements, les chaussures, les produits pour la peau ou encore les couches, sont des produits achetés en grandes quantités, dont les motivations d'achat sont relativement fortes pour les consommateurs. Cette baisse sur les taxes douanières devrait permettre d'augmenter raisonnablement les importations et de mettre ainsi à niveau la consommation domestique. »

Récemment, l'Institut de recherches du ministère du Commerce a publié son rapport 2015 sur l'évolution du marché de la consommation en Chine. Celui-ci indique que le prix des produits haut de gamme en Chine est largement supérieur à ce qu'il est à l'étranger et que les consommateurs chinois ne sont plus prêts à payer une telle différence.

D'après certaines estimations du ministre du Commerce, le volume des achats de produits depuis l'étranger a dépassé les 1 000 milliards de yuans. Certains analystes estiment qu'en baissant les taxes d'importation, il sera possible de diminuer les écarts de prix constatés entre la Chine et l'étranger et d'entraîner un reflux vers la consommation domestique. Pour Wang Jian, directeur du Centre d'études sur le commerce international de l'Université du Commerce international et de l'Economie, ces mesures de baisse de taxes douanières permettra de faciliter l'achat de produits de consommation étrangers pour un meilleur prix. Aujourd'hui, avec l'expansion des importations et la baisse des prix, les Chinois se ruant à l'étranger pour acheter des lunettes de toilettes ou du lait en poudre seront bientôt de l'histoire ancienne.

Beijing Information