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Publié le 20/04/2015
La Route maritime de la Soie en 3 questions

Zhou Xiaoyan

Pourquoi la Chine propose-t-elle aujourd'hui une Route maritime de la Soie du XXIe siècle ? Cette Route maritime de la Soie bénéficie-t-elle à d'autres pays en dehors de la Chine ? Parallèlement aux efforts du gouvernement pour cette stratégie ambitieuse de développement, quel rôle peuvent jouer les entreprises en tant qu'éléments principaux du marché ? Ces questions reflètent les préoccupations de l'opinion publique en Chine et à l'étranger, quant à la mise en place de cette Route maritime de la Soie. Nos journalistes se sont rendus au Symposium international sur la Route maritime de la Soie, pour interroger des officiels, des universitaires et des chefs d'entreprise, et présenter à nos lecteurs les considérations et les propositions de chacun sur le sujet.

1. Pourquoi la Chine propose-t-elle aujourd'hui une nouvelle Route maritime de la Soie ?

D'après les statistiques du Fonds monétaire international, la Chine aura été en 2014 le 1er contributeur à l'économie mondiale, participant pour 27,8 % à sa croissance. Cependant, l'économie chinoise est entrée dans une période de « nouvelle normalité » et doit aujourd'hui faire face à de nombreux défis, comme l'approfondissement de la réforme et de l'ouverture ou encore sa restructuration économique.

La Chine est aujourd'hui la 2e puissance économique mondiale, mais elle reste un pays en voie de développement. Pourquoi donc les dirigeants chinois ont-ils proposé cette Route maritime de la Soie et emploient-ils tant d'argent et de ressources pour sa promotion? S'agit-il de viser un développement commun et d'en partager les fruits ou bien d'essayer d'obtenir davantage de bénéfices politiques et économiques?

La Chine a réalisé son essor économique à la suite de la réforme et de l'ouverture. A travers l'initiative « Une ceinture et une route », le pays espère aujourd'hui partager les fruits de son développement avec le monde entier. Chercheur à l'Institut du Japon pour le Développement et le Commerce international, Ehara Noriyoshi estime que le principe de Deng Xiaoping de « laisser d'abord une partie s'enrichir et amener ensuite tout le monde vers une prospérité partagée », signifie que la Chine, après avoir réalisé par la réforme cette 1ère étape d'enrichissement, souhaite désormais « partager sa prospérité », c'est-à-dire l'expérience et les fruits de son développement, avec les pays qui bordent la Route de la Soie.

« Cette initiative était nécessaire pour l'approfondissement globale de la réforme et de l'ouverture de la Chine », nous explique Li Xiangyang, directeur de l'Institut des Etudes sur l'Asie et le Pacifique de l'Académie des Sciences sociales de Chine (ASSC). Il est possible de distinguer 3 périodes dans la réforme et l'ouverture : de ses débuts en 1979 aux « Discours issus de la tournée dans le Sud » de Deng Xiaoping en 1992 ; des « Discours issus de la tournée dans le Sud » à l'entrée de la Chine à l'OMC en 2001 ; et les 10 années qui suivirent son entrée à l'OMC. Au cours de ces 30 dernières années, la réforme et l'ouverture ont essentiellement concerné les régions côtières chinoises et l'intérieur du pays n'a que peu participé. La Chine a aujourd'hui besoin d'un nouveau cycle d'ouverture globale.

C'est un point de vue partagé par Li Mingjiang, directeur de thèses à l'Université nationale de Singapour. Pour lui, la Chine doit, à cette étape de son développement, frapper un grand coup pour réaliser une ouverture intégrale et encore plus en profondeur. L'initiative stratégique de la Route maritime de la Soie du XXIe siècle correspond parfaitement aux exigences d'une coopération de haut niveau à l'ouverture. Dans le même temps, elle « reflète aussi dans une certaine mesure une nécessité dans les relations diplomatiques avec les pays voisins », explique-t-il. Depuis plus de 20 ans, les relations de la Chine avec ses pays voisins sont restées relativement stables, mais de nouveaux défis apparaissent aujourd'hui, comme la stratégie américaine de « retour en Asie-Pacifique » et l'intensification des échanges du Japon et de l'Inde avec les pays voisins. Par ailleurs, il subsiste encore quelques disputes territoriales entre la Chine et ses pays voisins, qui nourrissent les doutes à son encontre. La mise en place de la Route maritime de la Soie pourrait aider à apaiser ces disputes, à réduire les divergences et à permettre aux pays voisins de la Chine de privilégier les échanges et la coopération. Dans une certaine mesure, elle pourrait permettre à la Chine d'améliorer son image, ainsi que ses relations extérieures.

Lors du discours d'ouverture de la conférence, le président du CIPG (China International Press Group), Zhou Mingwei, a estimé que l'accent mis sur la construction commune de la Route maritime de la Soie du XXIe siècle montrait la détermination de Xi Jinping et de la nouvelle génération de dirigeants à continuer de suivre une voie de développement pacifique. Pour lui, cette initiative reflète l'amitié, la sincérité, la réciprocité et le caractère inclusif des relations que la Chine entretient avec ses voisins, et représente ses vœux et ses projets de progrès et de développement au sein de la communauté internationale.

L'Asie constitue aujourd'hui dans sa globalité le moteur de la croissance économique mondiale, mais doit faire face à de nombreux problèmes récents et plus anciens, comme le faible niveau d'intégration territoriale, l'inégalité du développement entre les régions, le manque d'infrastructures de transport ou leurs problèmes de connexion. Ceux-ci constituent de sérieuses entraves à l'approfondissement de la coopération régionale.

L'initiative de la Chine « Une ceinture et une route » se base sur la communication des mesures politiques, la connexion des infrastructures, la facilitation du commerce, l'intermédiation financière et la connexion des cœurs, afin de renforcer l'interconnectivité régionale. Parallèlement aux discussions passionnées de l'opinion publique internationale, des voix s'élèvent laissant entendre que l'initiative « Une ceinture et une route » serait une nouvelle version du plan Marshall. Pour James Peck, (Publisher of US-China Book Design Press)nous vivons aujourd'hui dans un monde multipolaire et l'initiative chinoise comporte des différences substantielles avec le plan Marshall américain. Celle-ci ne comporte notamment pas d'exigence politique et vise simplement à créer une plateforme ouverte, inclusive et multipolaire, laissant la possibilité à de nombreux pays de participer et de s'intégrer.

Pour Li Mingjiang, il existe certes des similarités entre l'initiative chinoise et le plan américain dans l'utilisation de fonds et de ressources pour le développement économique d'autres pays, mais le fait que le plan Marshall ait eu lieu dans le contexte de la guerre froide est une différence majeure. L'une des considérations essentielles dans l'aide apportée par les Etats-Unis à l'Europe de l'Ouest était de contrer le Bloc de l'Ouest mené par l'URSS. L'implication idéologique était particulièrement forte. A contrario, la compétition stratégique internationale sur le plan idéologique n'est pas une considération de l'initiative chinoise. Par ailleurs, le plan Marshall consistait essentiellement en une aide unilatérale de la part des Etats-Unis, tandis que l'initiative de la Chine est plutôt un mode de construction coopératif et nécessite la conjonction des efforts communs des pays longeant ces routes.

2. Cette Route maritime de la Soie bénéficie-t-elle à d'autres pays en dehors de la Chine?

L'ordre mondial est aujourd'hui multipolaire. Il s'agit d'une transformation historique et inévitable, et la Route maritime de la Soie fait partie de ce changement.

James Peck, directeur de la maison d'edition US-China Book Design Press, estime que les pays bordant la Route maritime de la Soie profiteront de l'initiative : « Ces pays ont maintenu leurs relations au cours de l'histoire, mais dans le contexte international actuel, le niveau de coopération économique est insuffisant. A l'avenir, cette initiative leur fournira un cadre leur permettant de renforcer leurs interactions économiques et d'approfondir leur compréhension culturelle et leur respect mutuel. Cela créera une grande vivacité et leur donnera de précieuses opportunités. »

Le Myanmar se trouve entre la Chine et l'Inde, ses côtes maritimes sont très importantes et le pays possède de nombreux ports naturels en eaux profondes. Khin Maung Lynn, secrétaire général de l'Institut du Myanmar pour les Etudes stratégiques et internationales, nous explique que son pays a aujourd'hui besoin d'organisation, d'une bonne gestion et de nouvelles infrastructures. Etant membre de l'ASEAN et voisin de la Chine, le Myanmar espère que la Chine l'aidera à financer la construction des infrastructures communes, afin de renforcer l'interconnectivité dans la région. « Jusqu'à présent, les navires de marchandises devaient passer par Singapour et le détroit de Malacca, ce qui rendait le transport relativement long et coûteux. Avec la mise en place de la Route maritime de la Soie, nous pourrons bâtir des relations commerciales plus étroites avec les pays concernés. Le monde est devenu un village planétaire et la seule voie de développement possible est celle de la coopération », estime-t-il. Le Myanmar étudiera avec attention les questions liées à ce concept, pour en apporter tous les bénéfices possibles à son peuple.

Le Népal, pays sans estuaire direct mais qui compte plus de 6 000 cours d'eau, nécessite aussi l'aide de la Chine pour construire ses infrastructures et développer son transport intérieur. Pour le président de la Mega Bank Nepal Ltd, Madan Kumar Dahal, « la production hydroélectrique à l'intérieur du pays est également insuffisante et les coupures d'électricité sont courantes. Cependant, ce secteur possède un fort potentiel et le Népal espère que cet aspect attirera plus d'investissements et de projets de construction de la part de la Chine. »

Le Laos est un pays à l'intérieur des terres et ne possède pas non plus d'estuaire. Il espère néanmoins « passer d'un statut de pays enclavé à un pays connecté », nous confie Yong Chanthalangsy, le directeur de l'Institut des Affaires étrangères dépendant du ministère homonyme. Selon lui, le gouvernement laotien a d'ores et déjà établi un plan très ambitieux pour la connexion des routes et des chemins de fer et de préciser : « Nous allons construire 421 kilomètres de voies rapides permettant de relier la Thaïlande à la Chine en passant par le Laos. »

A Singapour également, le monde des affaires attend avec impatience la Route maritime de la Soie. Le président de la Fédération commerciale de Singapour et directeur général de Pacific International Lines, Teo Siong Seng, nous explique : « Singapour se trouve sur le détroit de Malacca et est surnommée le 'carrefour de l'Orient'. De la même manière qu'au temps des explorations maritimes de Zheng He (Ndt : célèbre explorateur maritime chinois, 1371-1433), Singapour peut jouer un rôle particulièrement important dans la mise en place de la nouvelle Route maritime de la Soie. » Singapour célèbrera en 2015 les 50 ans de son indépendance et les 25 ans de l'établissement de relations diplomatiques avec la Chine. La Fédération commerciale de Singapour espère coopérer avec la Chine dans les domaines concernés, et souhaite organiser un grand symposium sur la Route maritime de la Soie avec d'autres pays de l'ASEAN pour que chacun puisse mieux appréhender ce concept.

3. Quel rôle peuvent jouer les entreprises en tant qu'éléments principaux du marché?

A la suite de son essor économique et du renforcement de sa puissance nationale, la Chine est devenu l'un des moteurs de l'économie mondiale. En 2014, elle a contribué pour 40 % à la croissance économique en Asie. Avec la mise en place de la Route maritime de la Soie, les opportunités commerciales seront plus nombreuses, l'étendue du marché sera accrue, et les investissements et les relations commerciales interrégionales ne pourront qu'augmenter. Sur une carte du monde des affaires, la « nouvelle normalité » pour le développement futur des entreprises chinoises sera d'aller vers les pays bordant les nouvelles Routes de la Soie.

Pour Bai Peijun, directeur adjoint du centre de R&D du groupe COSCO (China Ocean Shipping Company, 1er armateur chinois), la nouvelle Route maritime de la Soie va avoir de profondes répercussions sur le groupe COSCO. Il attire cependant l'attention sur le fait que la bonne adaptation des entreprises à la nouvelle normalité des investissements étrangers apportés par cette initiative nécessite une certaine préparation et certaines conditions.

Lorsque COSCO fit l'acquisition d'un port de grande importance en Grèce, les premiers développements se firent sans encombre et après sa prise de contrôle des opérations, le groupe parvint à résoudre les problèmes de fonctionement des opérations à quai et les situations de grèves fréquentes des employés. Cette année-là, ils réalisèrent même des profits et leurs bénéfices augmentèrent encore les années suivantes. Mais lorsque le gouvernement en place, qui était alors de droite, passa à un gouvernement de gauche, ce dernier commença à s'opposer aux mesures prises par le gouvernement précédent, ce qui donna lieu à de nombreux obstacles dans ce processus d'acquisition. « Si cette fois, le gouvernement peut intercéder, ce serait pour nous un grand soutien », nous explique-t-il. L'élaboration de la Route maritime de la Soie nécessite que « le gouvernement, les entreprises et les médias créent conjointement un cadre et unissent leurs forces, face à des obstacles dont les entreprises seules peuvent difficilement venir à bout, notamment ceux liés aux règles d'investissements, à l'environnement économique, aux valeurs culturelles et au protectionnisme commercial.

Pour Li Xiangyang, le premier problème à régler pour la mise en place de cette initiative est celui des relations entre le gouvernement et les entreprises. Sans l'appui du gouvernement, cette initiative ne serait plus que des paroles vides de sens. Avant la mise en place préalable de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures et du Fonds pour la Route de la Soie, le gouvernement doit tout d'abord présenter ce concept aux autres pays. D'un autre côté, les entreprises fonctionnent selon les mécanismes du marché et n'ont pas d'engagement particulier à servir les concepts stratégiques de leur pays. Si les entreprises ne suivent pas par une participation effective, cette stratégie pourrait devenir une sorte de programme d'aide à l'étranger, dont le développement ne serait pas durable.

Li Xiangyang estime donc que le pays doit recourir à des instruments légaux et financiers, afin de guider et d'encourager les entreprises à venir servir cette stratégie nationale. Dans le même temps, il est nécessaire dans ces mesures de bien faire la distinction entre les entreprises d'Etat, les entreprises privées et les entreprises étrangères.

Le PDG du groupe Huayu Media, Sha Xuewen, a une longue expérience de collaboration avec des entreprises chinoises. Il estime que les entreprises chinoises jouent un rôle essentiel dans l'édification de cette nouvelle Route de la Soie. Pour lui, le danger est cependant qu'il n'existe pas de mécanisme effectif d'évaluation et de gestion des risques. En particulier pour les pays qui reçoivent les investissements, il n'existe aucune estimation des risques politiques. Pour cette raison, les entreprises chinoises n'ont que peu de possibilités pour traiter avec un pays dont la situation politique a changé.

« Les entreprises chinoises pensent que les bonnes relations avec les gouvernements étrangers sont très importantes, mais en réalité, ce n'est pas ce qu'il y a de plus important », explique-t-il. L'alternance politique dans les pays étrangers se fait de façon relativement fréquente et les entreprises chinoises doivent faire attention à construire de bonnes relations avec les populations locales : « De même qu'il existe des alliances commerciales, les entreprises chinoises doivent apprendre à mettre en place des alliances sociales, car les investissements seuls, la réparation de routes et de voies ferrées ou encore l'ouverture d'écoles et d'hôpitaux sont loin d'être suffisants. Pour établir de bonnes relations avec les populations locales, il faut une bonne capacité de communication et de transmission. La mise en place d'alliances sociales pourrait aider les entreprises chinoises à compenser leurs faiblesses dans ce domaine. » Sha Xuewen met aussi en garde sur le fait que les Philippines, l'Indonésie ou encore le Myanmar ont chacun des situations sociales et nationales différentes et qu'il n'est pas possible de les traiter tous avec le même cadre. Les difficultés d'investissement auxquelles sont confrontées les entreprises chinoises sont différentes selon les différentes situations de ces pays.

 

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