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Publié le 14/01/2015
La péninsule coréenne a besoin d'énergie positive

 Shi Yongming

La péninsule coréenne se trouve aujourd'hui dans une impasse et les principaux acteurs pouvant la sortir de cette situation se sentent impuissants et confus. Dans ce processus frappé par la paralysie, son avenir dépendra de l'évolution des forces positives et négatives. Si les forces positives parviennent à croître de manière continue, il sera alors possible de trouver un moyen pour régler ce problème. A l'inverse, si les forces négatives s'accumulent, il sera difficile d'éviter que la situation ne dégénère.

 La politique américaine vis-à-vis de la Corée du Nord cumule les énergies négatives

Les événements négatifs sur la question nord-coréenne sont malheureusement relativement nombreux ces derniers temps. Relayé par l'agence de presse Yonhap, le ministère de la Défense sud-coréen a annoncé le 29 décembre la signature d'un « Accord entre la République de Corée, les Etats-Unis et le Japon pour le partage de renseignements sur les menaces nucléaires et balistiques de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) » , prenant effet le jour même. Cet accord apparaît comme une coopération de type défensif, mais les raisons qui ont amenées les Etats-Unis à défendre la signature de ce traité sont en réalité plus subtiles.

 Selon le département de la Défense des Etats-Unis, c'est la parade militaire organisée en avril 2012 par la Corée du Nord, au cours de laquelle furent présentées des maquettes de missiles balistiques intercontinentaux KN-08, qui a motivé ce choix. Dans son « Rapport annuel sur les forces armées nord-coréennes et les stratégies de maintien de la paix » présenté au Congrès en mars 2013, il estime que ce type de missile pourrait avoir une portée dépassant les 5 500 kilomètres, constituant une menace pour le territoire américain. Dans le même temps, il reconnaît que, la Corée du Nord n'ayant jamais fait de tirs d'essai avec ces missiles, « il est peu probable que ceux-ci leur servent d'armement ». En d'autres termes, les Etats-Unis savent que la parade de ces missiles n'était probablement qu'un étalage de puissance factice, mais cela leur a fourni l'excuse idéale pour procéder à un déploiement stratégique en Asie du Nord-Est.

La stratégie américaine comporte deux objectifs complémentaires : établir progressivement un système de défense anti-missile et constituer un mécanisme de coopération militaire avec le Japon et la Corée du Sud. Le système de défense anti-missile permet d'intégrer ces deux pays à son système de combat et de mieux les contrôler. La coopération militaire entre les Etats-Unis, le Japon et la Corée du Sud ne bénéficie pas seulement aux opérations du système de défense anti-missile, mais aussi aux opérations du système de combat régional des Etats-Unis. Dans le même temps, il restreint le développement militaire indépendant du Japon et de la Corée du Sud.

Au cours du processus qui a mené à la signature de ce traité, les Etats-Unis ont complété le déploiement d'un deuxième radar AN/TPY-2 au Japon, cette fois dans la région de Kyoto (le premier avait été installé à Aomori-ken en 2006). Ce type de radar permet de déployer une antenne réseau à commande de phase mobile et utilise des capteurs de haute capacité, localement et sur le théâtre d'opérations militaires. C'est aujourd'hui l'un des radars anti-missiles les plus perfectionnés de l'armée américaine. Il forme, avec le système de radars d'alerte anticipée des missiles balistiques, le radar marin en bande X (SBX-1) et le système d'alerte anticipée par satellite, les « yeux » du système de défense anti-missile des Etats-Unis, et leur permet de repérer et localiser les tirs de missiles de tout pays.  

 Les Etats-Unis sont au cœur de ces opérations contre les missiles nord-coréens, et la coopération avec le Japon et la Corée du Sud n'a en réalité que peu d'importance dans ce système. Les Etats-Unis sont prêts à utiliser toutes les opportunités possibles pour rassembler ces deux pays aux rancunes historiques et récurrentes dans un partenariat militaire de haut-niveau. Cependant, il est clair que les objectifs ne se limitent pas à la question nord-coréenne. Si l'on met en perspective le système anti-missile des Etats-Unis dans le monde, il apparait clairement que leur objectif se situe dans la conservation de leurs avantages stratégiques dans la compétition des grandes puissances.

 Si l'on considère la situation en Corée du Nord, les Etats-Unis semblent cependant loin d'être pressés de relancer les négociations. Le fait que la Corée du Nord n'ait pas exprimé son intention de renoncer au nucléaire constitue certes une excuse parfaite pour ne pas reprendre les négociations, mais les Etats-Unis ont certainement fermé la porte à la reprise des négociations, par les conditions préalables qu'ils ont imposées. Leur volonté de déployer en Corée du Sud une défense anti-missiles balistiques et de haute altitude (en anglais, Balistic Missile Defence System and the Terminal High Altitude Area Defence ou THAAD) montrent les intentions réelles des Etats-Unis. Les caractéristiques techniques des THAAD font qu'ils ne peuvent jouer en Corée du Sud qu'un rôle de missiles intercepteurs. Ils ne lui seraient cependant pas d'une grande utilité dans l'éventualité d'une attaque nord-coréenne. Si le déploiement en Corée du Sud enthousiasme autant les Etats-Unis, c'est que, au-delà de la défense anti-missile, ce système radar aux capacités de détection encore plus perfectionnées lui permet d'exercer un contrôle stratégique sur la Chine. De fait, sa stratégie dans la péninsule coréenne consiste aujourd'hui à renforcer les structures militaires issues de la guerre froide, ce qui en fait naturellement une force négative dans la résolution du problème nord-coréen.

 Les relations entre la Chine et la Corée du Sud ont accru l'énergie positive dans la péninsule coréenne

 La clé pour résoudre la question coréenne réside dans l'élaboration soit d'un modèle soit de partenariats stratégiques, soit de compétitions stratégiques en Asie du Nord-Est. C'est-à-dire que la méthode utilisée se base soit sur « l'harmonie », soit sur la « lutte ». Sur ce point, les relations de partenariat stratégique entre la Chine et la Corée du Sud ont offert une réponse positive.

 Si l'on considère la situation de la péninsule coréenne à la suite de la guerre froide, il est clair que cette idéologie a été un facteur essentiel entravant le processus de réconciliation. En 1992, les Etats-Unis ont évoqué la poursuite en Asie-Pacifique de leur stratégie d'endiguement, issue de la guerre froide. L'état de division de la Chine et de la Corée est alors devenu un outil puissant permettant aux Etats-Unis de préserver son hégémonie, et le processus de réconciliation des deux Corées est devenu extrêmement compliqué. Les facteurs influençant la question du nucléaire nord-coréen sont nombreux et complexes, et nous sommes passés d'une « Déclaration sur la dénucléarisation de la péninsule » à la question de possession officielle du nucléaire par la Corée du Nord.

 L'idéologie de la guerre froide est devenue une entrave à la stabilité du Nord-Est asiatique et au développement de la coopération. Celle-ci comporte deux particularités. Premièrement, les relations internationales sont délimitées par les idéologies. Ce sont elles qui permettent d'établir une hiérarchie et décident d'un rapprochement ou d'un éloignement. Deuxièmement, les problèmes de sécurité sont résolus par l'intermédiaire de regroupements idéologiques des nations et d'un équilibre de forces militaires. L'esprit américain de la guerre froide comporte cependant un point plus important encore : l'hégémonie américaine, qui doit être au cœur de l'ordre mondial.

 La coopération stratégique entre la Chine et la Corée du Sud exprime dans son essence un schéma de sécurité internationale, qui correspond aux tendances du XXIème siècle. La particularité fondamentale des relations internationales au XXIème siècle réside dans le processus d'approfondissement constant de la mondialisation de l'économie. La communauté internationale devient une entité de plus en plus indivisible, et la sécurité, un concept toujours plus intégral. La stabilité politique et économique de la communauté internationale et la sécurité individuelle de chaque pays, sont chaque jour plus profondément interconnectées. La sécurité individuelle de chaque pays ne peut être renforcée que par le renforcement de la coopération internationale et la stabilisation de la communauté internationale. C'est justement sur la base de ce point de vue que la coopération entre la Chine et la Corée du Sud a dépassé le réalisme traditionnel et brisé ce schéma mental d'un équilibre des forces. Par l'intermédiaire d'un partenariat global, elle vise la stabilité et la prospérité des systèmes régionaux, permettant en retour la résolution des problèmes mutuels de sécurité.

 La coopération entre la Chine et la Corée du Sud correspond au nouveau concept de sécurité, qui considère cette dernière comme ayant deux traits universels : elle est intégrale et indivisible. Par ailleurs, tous les pays sont égaux face aux problèmes de sécurité. Ces particularités nous demandent de choisir une méthode globale et coopérative pour régler les questions sécuritaires, sans pour autant sacrifier la sécurité nationale. Les préconisations du nouveau concept de sécurité trouvent leur origine et furent proposées à la lumière de questions sécuritaires réelles. De fait, le partenariat entre la Chine et la Corée du Sud montre à cette région, que la mise en place d'un mécanisme de sécurité régional intégral et commun peut apporter une issue au conflit sur la péninsule.

 La volonté de réconciliation des deux Etats de Corée est une démarche importante pour sortir de cette impasse

 Les grandes puissances ont rendu la question de la péninsule coréenne extrêmement compliquée, mais la situation des relations entre les deux Corées joue également un rôle essentiel. Le rapprochement de ces deux pays aurait des répercussions bénéfiques pour résoudre la question du nucléaire, mais la conjoncture actuelle influence négativement l'avenir de la péninsule. D'un côté, les antagonismes se renforcent et les espoirs d'une réconciliation s'amenuisent. De l'autre, les sanctions économiques à l'égard de la Corée du Nord n'ont qu'un effet limité, mais une amélioration de l'économie nord-coréenne conduirait à un renforcement du régime et au renforcement continu de ses capacités militaires. C'est la raison pour laquelle, le risque d'une confrontation devrait augmenter graduellement dans cette situation, qui dessert les deux parties. Cependant, la Corée du Nord et la Corée du Sud ne sont pas obligées de chercher une échappatoire à travers les manœuvres des grandes puissances. Elles peuvent parfaitement entreprendre d'améliorer leurs relations pour sortir de cette dangereuse impasse.

 Il est à noter qu'au moment où le ministère de la Défense de la Corée du Sud annonçait la signature de l'accord avec le Japon et les Etats-Unis, le ministre sud-coréen de la Réunification, Ryoo Kihl-jae, annonçait en conférence de presse, que le gouvernement sud-coréen avait lancé un appel à la Corée du Nord, proposant formellement de mettre en place des discussions sur des questions d'intérêt commun, dès janvier 2015. Il a espéré que la Corée du Nord réponde de manière positive à cet appel. Si c'est le cas, il prendra la tête d'une délégation pour participer aux pourparlers. Souhaitons que la Corée du Nord et la Corée du Sud puissent prendre un bon départ pour cette année 2015 et apporter plus d'énergie positive dans la résolution de cette situation.

L'auteur est maître de recherches à l'Institut de Chine sur les questions internationales.

 

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