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Publié le 26/12/2014
Médecine chinoise vs médecine occidentale, un duel sans vainqueur

Zhang Zhiping

Le diagnostic en médecine traditionnelle chinoise s'articule autour de quatre axes : l'observation visuelle, l'observation auditive et olfactive, l'entretien et la prise du pouls. Cette dernière fait cependant l'objet de controverses sur la toile et un défi qui remet en cause son exactitude enflamme depuis quelque temps les réseaux sociaux chinois.

A l'origine de cet échauffement se trouve le post d'un médecin travaillant au Service de brûlure de l'hôpital de Jishuitan à Beijing, publié sur le site de microblogging Weibo, et intitulé « A Bao met au défi les experts en prise de pouls de la médecine chinoise ». Sous le pseudonyme de « A Bao, le Superman des brûlés », le médecin-bloggeur met au défi les grands hôpitaux du pays à tester, de manière aléatoire et à l'aveugle, le taux d'exactitude de cette méthode pour diagnostiquer une grossesse. Si celui-ci dépasse les 80 %, il se dit prêt à offrir une récompense de 50 000 RMB. Le jour de la parution du post, Yang Zhen, professeur agrégé au département des prescriptions de l'Université de la médecine chinoise de Beijing et médecin-chef adjoint acceptait le défi et les deux parties s'accordaient sur le recrutement de 32 femmes en âge de procréer pour réaliser cette expérience.

Depuis, la contribution des internautes a porté le montant de la récompense à 100 000 RMB, et un médecin de Chengdu, Lü Jilai, s'est dit prêt à mettre en jeu 200 000 RMB dans ce duel qui oppose médecine occidentale et médecine chinoise traditionnelle.

Plus d'un mois s'est écoulé depuis le post d'A Bao. Mais si les enchères continuent de monter des deux côtés, l'affrontement n'a, lui, pas fondamentalement progressé et ressemble de plus en plus à une joute verbale. En proclamant qu'en cas de victoire de la médecine chinoise, il offrirait une récompense de 50 000 RMB et ne la traiterait plus de « pseudo-science », ce qui n'était à l'origine que le défi d'un individu s'est lentement transformé en duel entre médecine chinoise et médecine occidentale. Ce genre de confrontation n'est cependant pas nouveau.

La médecine chinoise est apparue au cours des périodes des Printemps et Automnes et des Royaumes combattants, entre 770 et 221 avant notre ère. Les fondations de sa théorie étaient déjà établies et on estime que le Classique interne de l'empereur Jaune, l'un des plus importants traités de médecine chinoise, est apparu à cette époque. De cette époque fut également retrouvé un document intitulé Liste d'attente pour le diagnostic par le pouls du célèbre médecin Bian Que, datant du 5ème siècle avant notre ère.

La base théorique de la médecine chinoise repose sur le Yin et le Yang, et les cinq éléments. Le Qi, la forme et l'esprit forment le corps humain. L'observation visuelle, l'observation auditive et olfactive, l'entretien et la prise du pouls sont utilisés pour déterminer les causes d'une maladie, et la pharmacopée chinoise, l'acupuncture, la moxibustion, la diététique, le massage traditionnel chinois (Tui Na), l'application de ventouses et le Qi Gong doivent permettent de rétablir l'harmonie du Yin et du Yang - donc la santé - dans le corps humain.

En médecine occidentale, le diagnostic se base sur l'utilisation d'appareils médicaux sophistiqués et les laboratoires d'analyse. Le traitement de la maladie passe principalement par la prise de médicaments occidentaux, qui sont issus de la synthèse de produits chimiques ou naturels, et les interventions chirurgicales, le laser et la chimiothérapie.

Au début du 20ème siècle, avec la fin de la dynastie des Qing et l'arrivée agressive des puissances occidentales, la médecine moderne occidentale envahit la Chine. Se pose alors pour la première fois la question du maintien ou du rejet de la médecine chinoise, les partisans du rejet étant pour la plupart des intellectuels de renom, comme Liang Qichao, ayant eu une éducation à l'occidentale. Depuis, le débat n'a jamais cessé.

En 1929, le gouvernement de la République de Chine, sous la pression de l'Union nationale pour la médecine chinoise, supprime certaines restrictions limitant la pratique de la médecine. Cette année marque aussi l'introduction d'une journée annuelle de la médecine traditionnelle chinoise célébrée le 17 mars.

En 1966, la révolution culturelle tente de débarrasser la Chine des « quatre vieilleries » : vieilles idées, vieille culture, vieilles coutumes, vieilles habitudes. C'est un coup dur pour la médecine chinoise, qui dut attendre près de dix ans pour retrouver un espace de développement. Dans la constitution de 1982, l'article 21 spécifie que « l'Etat développe les services médicaux et sanitaires, la médecine et la pharmacologie modernes, ainsi que la médecine et la pharmacologie traditionnelles chinoises », leur donnant de fait une importance identique.

Il ne peut y avoir de vainqueur dans une confrontation entre médecine occidentale et médecine chinoise. Même si le taux d'exactitude du diagnostic de la grossesse par le pouls était inférieur à 80 %, cela ne signifierait pas que la médecine chinoise n'a rien à apporter pour le bien-être de l'humanité. L'idée que seule la médecine chinoise ou seule la médecine occidentale puisse être une médecine « véritable » fait montre d'un dogmatisme qui passe à côté de l'essentiel. Seule une connaissance limitée et fragmentaire de sa propre discipline peut pousser une personne à une telle conclusion.

La médecine chinoise et la médecine occidentale sont toutes deux centrées sur le corps humain. La médecine chinoise tend à diviser le corps humain selon ses aspects fonctionnels, et la médecine occidentale, selon ses aspects anatomiques, mais les deux se rejoignent sur l'aspect physiologique. Cependant, elles diffèrent largement dans leurs façons d'appréhender la pathologie. La médecine occidentale part de l'hypothèse qu'à l'origine de toute maladie, il y a un agent pathogène. Pour se débarrasser de la maladie, il faut se débarrasser de l'agent pathogène. La médecine chinoise, elle, part du principe que toute maladie provient d'un déséquilibre dans l'environnement interne du corps. Pour se débarrasser de la maladie, il faut se débarrasser du déséquilibre. C'est la raison pour laquelle il est impossible de réconcilier les médecines chinoise et occidentale au niveau théorique, et qu'apparaît régulièrement ce genre de débat.

Dans une enquête réalisée par le site Sina.com, les internautes sont 73 % à soutenir Yang Zhen contre 19 % pour A Bao. Cela ne veut cependant pas dire grand-chose, car l'histoire montre que la médecine chinoise a toujours fait face à deux extrêmes : des supporters pour qui elle représente la panacée, et des détracteurs pour qui elle n'est qu'une vaste imposture.  

Dans le monde d'aujourd'hui, l'air du temps exige de savoir s'accorder sur ses différences. Les médecines chinoise et occidentale nécessitent toutes deux de continuer à se développer. Chacune possède ses propres limites et aucune ne peut  se prévaloir d'être la panacée universelle. La condition du pouls diffère en fonction de chaque individu, notamment selon les différences physiologiques, et ne permet pas de déterminer à elle seule la maladie. Ainsi, pour diagnostiquer une grossesse, la prise du pouls doit être utilisée en combinaison avec l'observation visuelle, l'observation auditive et olfactive et l'entretien.

En réalité, les médecines chinoise et occidentale ne sont nullement incompatibles et peuvent être mutuellement bénéfiques. Dans ce vaste univers où la connaissance de l'Homme est infime, les médecines chinoise et occidentale tentent, chacune à leur façon, d'explorer les arcanes du corps humain et de débarrasser l'humanité de ses maux. Selon le vieil adage, « il existe plusieurs chemins vers le sommet de la montagne ». Les médecines chinoise et occidentale ont chacune leurs avantages et il serait vain de chercher à établir un classement entre elles. Ce qui compte, c'est de réussir à soigner les malades.

 

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