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Publié le 10/07/2014
La passion chinoise pour la Coupe du Monde

Bai Shi

La Coupe du monde 2014 a rallumé la passion des supporteurs chinois de tous âges quand elle a débuté au Brésil le 13 juin, malgré l'absence de l'équipe nationale de Chine, éliminée au cours de la phase des éliminatoires de la zone Asie.

La plupart des fans chinois ne peuvent se permettre de se déplacer au Brésil et jouir de l'ambiance sur place. Malgré un décalage horaire de 11 heures, beaucoup préfèrent voir les retransmissions à la télévision, en pleine nuit. Rien de dissuasif pour ces fous de foot qui veulent goûter l'excitation du direct.

Pendant un mois, le Brésil offre un festival de 64 matchs. Pour s'adonner à leur passion au-delà de minuit, de nombreux téléspectateurs cherchent différents prétextes pour arriver plus tard au travail : les congés annuels mais aussi certificats médicaux de complaisance achetés en ligne. Selon le Xin'an Evening News, un média local basé dans la province de l'Anhui, un aficionado a même quitté un emploi bien rémunéré pour suivre la Coupe du Monde.

Rendez-vous à « l'heure de Rio »

Li Yao, 32 ans, est le gérant d'une exploitation agricole à Beijing. Il a poussé sa passion pour la Coupe du Monde jusqu'à ajuster ses horaires de travail et de repos à l'heure de Rio.

« Je suis plus flexible que les cols blancs et j'ai programmé un emploi du temps spécifique », confie-t-il à Beijing Information.

« Lors du premier tour, il y a trois ou quatre matchs qui se déroulent de minuit à l'aube tous les jours (heure de Beijing). Chaque nuit, j'en ai regardé deux, faisant une sieste entre les deux matchs et dormant chaque matin, avant de travailler dans l'après-midi et en soirée », explique-t-il. Célibataire, il se réjouit de ne pas avoir à subir les remontrances d'un conjoint.

M. Li aime le foot depuis son enfance. Il a été membre d'une équipe de son établissement scolaire et a souvent joué en ligue de football des collèges à Beijing. Le sport est devenu partie intégrante de sa vie.

En raison de l'absence de l'équipe nationale de Chine cette année, les fans chinois se prennent de passion pour les autres équipes nationales, comme le Brésil, l'Argentine, l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre.

M. Li est un grand fan de l'équipe italienne. En 2006, sa joie était telle lors du sacre de l'Italie que ses parents ne s'en sont pas encore remis ! « C'est plus excitant de regarder les matchs en direct avec les fans du monde entier », ajoute-t-il.

« Mes horaires de travail et de sommeil ont été bouleversés. Je me sens épuisé après avoir vu ces matchs à minuit. Je me reposerai bien lorsque tout sera terminé et je m'adapterai de nouveau à l'heure de Beijing », conclut M. Li.

Comme les fans du pays, les médias chinois sont aussi captivés par la Coupe du Monde. Des centaines de journalistes chinois ont été dépêchés au Brésil pour couvrir l'événement, a rapporté l'Agence Xinhua.

CCTV, la télévision nationale de la Chine, a obtenu les droits exclusifs de retransmission de la Coupe du Monde 2014 sur la partie continentale de Chine. CCTV-5, la chaîne du sport, diffuse en continu au total 800 heures d'émissions avec tous les matchs pendant les 33 jours de l'événement. Cette nouvelle a récemment été révélée à l'Agence Xinhua par Jiang Heping, directeur de CCTV-5.

La chaîne s'est longuement préparée, allant des retramissions en direct des matchs aux rediffusions, en passant par des interviews avec des joueurs et des analyses d'experts. Tout cela à travers ses nombreuses plates-formes médiatiques, notamment internet et les téléphones mobiles.

CCTV a envoyé dans différentes villes du Brésil, plus d'une centaines de personnes, des reporters, cameramen, techniciens, etc. Leur mission est d'informer sur les coulisses de l'événement, afin de donner aux téléspectateurs une vue d'ensemble du Brésil, sur ses villes et l'amour de son peuple pour le « futebol ».

« A part les matches, les séances d'entraînement seront aussi diffusées en direct par CCTV. C'est la première fois que nous faisons ainsi pendant la Coupe du Monde », a déclaré M. Jiang.

Les efforts ont payé et CCTV affiche un taux d'audience exceptionnellement élevé. Selon les statistiques d'AC Nielsen, la retransmission en direct le 13 juin du match d'ouverture Brésil - Croatie a réalisé une part d'audience de 1,32%. Cela signifie qu'environ 46 millions de Chinois l'ont regardé. De plus, le site CNTV, portail en ligne de CCTV, a attiré 5 millions de visiteurs.

La Coupe du Monde, encore un rêve pour la Chine

Mais une question récurrente se pose : quand l'équipe nationale de la Chine pourra-t-elle se qualifier de nouveau pour la Coupe du Monde ?

La première et dernière qualification de la Chine remonte à 2002, quand le Japon et la Corée du Sud étaient les pays hôtes. Grâce à Bora Milutinovic, son sélectionneur, le pays a été en mesure de figurer pour la première fois parmi les 32 équipes de la phase finale. M. Milutinovic avait gagné sa réputation d'« entraîneur magique ». Mais la chance de la Chine s'est heurtée à un mur : lors de la phase de poule, elle n'a remporté aucun match et n'a pas marqué un seul but.

Dès lors, l'équipe chinoise semble retomber dans un cercle vicieux et est toujours éliminée lors des matches préliminaires de la zone Asie. Récemment, on a même établi une série de records au sens péjoratif : le classement FIFA de la Chine a chuté au 109e rang en mars 2013, alors que son classement en Asie s'est enlisé au 13e rang. Plus tard en 2013, lors d'un match amical qui se composait essentiellement de jeunes joueurs, la Chine a été battue à 1-5 par la Thaïlande. Cette perte a contribué au limogeage de l'Espagnol José Antonio Camacho, son entraîneur.

Beaucoup ont attribué cette défaite humiliante à M. Camacho, sixième sélectionneur étranger travaillant avec l'équipe nationale de la Chine en seulement quelques années. Depuis 2011, l'Espagnol faisait l'objet de critiques virulentes de la part des fans chinois quand il a échoué à conduire la Chine sur le chemin de la Coupe du Monde 2014. A vrai dire, les entraîneurs étrangers endossent souvent l'espoir de tout le pays, mais M. Milutinovic est jusqu'à présent le seul à avoir obtenu des succès largement appréciés par les fans chinois.

Le 26 février de cette année, le Français Alain Perrin a été nommé entraîneur de l'équipe nationale. Sa mission est de préparer la Chine pour la Coupe d'Asie AFC 2015 qui aura lieu en Australie.

Certains initiés ont imputé les mauvaises performances de l'équipe nationale à ses joueurs, qui, selon eux, doivent apprendre à se montrer intraitables sur le terrain car le jeu est exigeant tant physiquement que psychologiquement.

Dans sa dernière interview avec des médias chinois, M. Milutinovic a déclaré que pour renforcer l'équipe nationale de Chine, la meilleure solution est encore d'en populariser la pratique, mais aussi d'améliorer l'entraînement et participer à plus de compétitions avec des équipes du monde entier.

Une ligue nationale minée par le scandale

« Beaucoup de problèmes dans le milieu chinois du football résultent de l'Association chinoise de Football (ACF), principal organe directeur du pays, et de la Chinese Super League, championnat professionnel du pays », remarque Yan Qiang, un commentateur sportif de haut niveau de Southern Weekly.

Cette année marque le 20e anniversaire du lancement du championnat professionnel de Chine en 1994. Cependant, la League (ligue chinoise) n'a pas réussi à former une équipe nationale forte, et failli détruire la réputation du football dans le pays suite à une série de scandales. Xie Yanglong, ex-dirigeant de l'ACF, a été inculpé pour avoir accepté 1, 36 million de yuans de pots-de-vin durant son mandat de 2005 à 2008. Nan Yong, son successeur, a aussi été accusé de corruption avec 1,19 million de yuans de pots-de-vin. Ces deux grands noms du football chinois ont été condamnés à 10 ans et demi de prisons en juin 2012.

En même temps, certaines grandes figures du football chinois, y compris des arbitres, joueurs de l'équipe nationale et dirigeants de clubs, ont été emprisonnées pour corruption et paris illégaux.

« La lutte contre la corruption sera une tâche de longue durée pour le football chinois », a souligné en 2011Wei Di, alors dirigeant de l'ACF, quand les scandales ont été révélés au public pour la première fois.

Depuis longtemps, l'ACF est critiquée pour son manque de transparence et de supervision. Suite aux révélations, l'ACF a invité des fans, avocats et journalistes à superviser les matches, dans l'espoir de renforcer le contrôle sur l'organe directeur de l'association.

« De plus, malgré les réformes axées sur le marché, la Chinese Super League n'a pas augmenté la compétivité des équipes nationales », indique Chen Yuyu, professeur associé d'économie à l'Université de Beijing. Il a consacré des années à effectuer des recherches sur le football chinois.

Il a affirmé que les intérêts ne sont pas équitablement répartis dans la League par l'ACF. C'est pour cette raison que les clubs ont tenté par tous les moyens de préserver leur classement et de garantir les ventes de billets. Résultat : le marché noir avant les matches s'est considérablement développé ces dernières années.

« Pour changer le sort de la Super League, l'ACF doit lancer des réformes et créer un environnement transparent et équitable au service des matches et joueurs », souligne Yan Qiang.

La prochaine génération entre sur le terrain

Le président chinois Xi Jinping a formulé trois souhaits pour le football chinois en 2011 : la qualification en Coupe du Monde, l'organisation de la Coupe du Monde et l'obtention du trophée tant convoité.

Le pays doit promouvoir davantage ce sport. Le président Xi a dit que lors de sa visite en Europe en mars qu'il avait pris le temps d'aller regarder un match amical junior sino-allemand au Stade de Berlin.

Nombreux sont ceux qui comptent sur les jeunes joueurs pour la revitalisation du football chinois. Cependant, la situation actuelle n'est guère favorable. Malgé un taux d'audience très élevé pour la Coupe du Monde, le nombre de pratiquants baisse sans cesse depuis longtemps. D'après le National Business, de 1990 à 1995, il y avait 650 000 pratiquants licenciés dans toute la Chine. En 2007, ce chiffre était seulement de 30 000. De même, dans les années 90, le pays comptait 4 300 centres de formation de football, alors qu'en 2007, seuls 20 étaient encore opérationnels.

« Heureusement, le nombre de jeunes joueurs est à la hausse et s'élevait à 190 000 en décembre 2012 », dit Liu Peng, à la tête de l'Administration générale des Sports de Chine. Selon lui, le pays doit travailler encore plus pour faciliter la formation dans les centres et rendre le foot plus accessible aux jeunes.

Gao Chao, 47 ans, est entraîneur de foot. Il s'est lancé lui-même dans la promotion de ce sport auprès des enfants depuis 1996.

M. Gao a toujours joué au football. Il a quitté un emploi stable et ouvert le club de football Silver Tide en collaboration avec l'Ecole secondaire N°18 de Beijing. La plupart des pratiquants sont âgés de 5 à 13 ans.

« J'aime le football. Je souhaite que les enfants puissent se renforcer physiquement et apprendre l'esprit de corps en faisant du sport », dit M. Gao à Beijing Information, au sujet de sa motivation pour l'ouverture de son club.

« La Chine n'a pas un cadre déterminé pour le développement des joueurs de foot. Souvent, je m'inquiète pour l'avenir de mes élèves. Après avoir terminé leur formation dans mon club, certains d'entre eux veulent devenir joueurs professionnels. Issus pour la plupart de familles ouvrières, ils ne peuvent cependant se permettre de payer d'autres formations dans un club de la League », continue M. Gao.

« Aujourd'hui, ni les parents ni les enfants n'espèrent faire une carrière dans le football. Les parents souhaitent seulement que leurs enfants se prennent de passion pour ce sport. Quand les jeunes auront développé un talent certain dans le football, il sera alors possible de mieux développer les ligues du pays et d'édifier une équipe nationale forte, pour nous qualifier enfin en Coupe du Monde. C'est comme la construction d'une pyramide : il nous est impossible d'atteindre le sommet sans avoir une base large », conclut M. Gao.

 

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