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Publié le 08/04/2014
La Route de la Soie vers la prospérité

Helga Zepp-LaRouche (photo de Wei Yao)

La Chine a proposé d'établir une « ceinture économique », la nouvelle Route de la Soie, qui devrait être le fer de lance des transformations positives en Asie centrale et au-delà. Helga Zepp-LaRouche, fondatrice et présidente de l'Institut Schiller, un groupe de réflexion économique et politique basé aux Etats-Unis et en Allemagne, nous parle de cet ambitieux projet qui englobe plusieurs pays.

Beijing Information: La « ceinture économique » de la nouvelle Route de la Soie constitue un plan directeur pour la coopération régionale. Quel est votre point de vue ?

Helga Zepp-LaRouche: Je suis très heureuse de cela parce que cette région du monde sera transformée de manière positive. Le niveau de vie et les conditions de vie de la population vont augmenter. Il est maintenant généralement accepté dans le monde que le nouvelle Route de la Soie n'est que le début d'une plus grande intégration de l'économie mondiale, avec la nouvelle route de la Soie et le Pont terrestre eurasiatique. Nous sommes très heureux de cette initiative car elle marque le début d'une ère de civilisation complètement nouvelle.

L'Asie centrale connaît depuis quelques décennies des pressions importantes en termes de sécurité et d'économie en raison de menaces comme le terrorisme. Dans quelle mesure la création d'une « ceinture économique » de la nouvelle Route de la Soie pourra-t-elle engendrer le changement dans cette zone ?

La production de drogues en Afghanistan a été multipliée par 40 depuis que l'OTAN s'est installée il y a douze ans. Les profits qu'elle permet de réaliser soutiennent financièrement le terrorisme. Je pense qu'il doit y avoir une coopération internationale qui réunit tous les pays voisins de l'Afghanistan, comme la Chine, la Russie, l'Inde, l'Iran notamment, pour éradiquer le trafic de drogue. C'est devenu un problème essentiel de sécurité pour la Russie. Des centaines de milliers de personnes meurent chaque année à cause du trafic d'héroïne et de drogue en Afghanistan. C'est aussi devenu un problème de sécurité important pour la Chine, car l'une des routes de la drogue passe par le Xinjiang. Cela nourrit le terrorisme au Tadjikistan, en Tchétchénie, au Pakistan et dans toute la région, de l'Afghanistan à la Syrie, à l'Afrique du Nord et même à l'Afrique centrale. C'est devenu la source principale de menace à la stabilité dans la région.

Des efforts internationaux doivent être faits pour stabiliser la région. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé une extension très concrète du Pont terrestre eurasiatique à toute la région, même en Afghanistan, en Syrie et en Afrique du Nord. Vous devez accorder des avantages aux populations et leur laisser voir que la coopération économique leur donne une chance de bâtir un avenir meilleur. Il y a des manières plus adaptées pour encourager les gens que la production de drogue ou le soutien au terrorisme. Beaucoup de gens s'y livrent car ils sont payés. Beaucoup de gens sont tout simplement pauvres. Il faut transformer toute la région en donnant des perspectives de développement économique qui ne pourront venir que de la « ceinture économique » de la nouvelle Route de la Soie.

Cette « ceinture économique » produira quels types de changements dans la situation géopolitique en Asie centrale ? Quelles en seront les implications pour la communauté internationale ?

Je pense que nous nous trouvons maintenant à un moment de l'histoire où les vieilles mentalités sur la géopolitique ne fonctionnent plus du tout. Actuellement, nous assistons à un danger immédiat provoqué par les développements en Ukraine. Vous devez considérer que les efforts visant à éloigner l'Ukraine de la Russie sont liés aux systèmes de défense américains en Pologne, en Roumanie et au destroyer Aegis qui a été déployé en Espagne, signe de la doctrine de la frappe préventive. Les Russes ont dit très clairement qu'ils n'accepteront pas que ce système de défense américain soit construit dans la troisième ou quatrième phase car il vise à annihiler la capacité de riposte de la Russie. Une politique utopique similaire est mise en place à l'encontre de la Chine sous la forme d'une doctrine de combat air-mer dans l'océan Pacifique, qui donne l'illusion qu'on peut en gros désarmer la Chine sans que la Chine puisse se défendre, ce que la Chine a clairement démenti.

Si vous prenez en compte la situation dans son ensemble, nous nous dirigeons vers la Troisième Guerre mondiale. Nous en sommes absolument convaincus et tout est à mettre en relation avec le fait que le système financier de l'Europe occidentale et des Etats-Unis est sur le point d'imploser et que les pays de la région Pacifique connaissent la prospérité. Il est heureux que tout le monde ne soit pas pour cette escalade vers la guerre. Maintenant, l'effondrement du système financier va se produire. Le système transatlantique ne peut être sauvé. Il peut l'être si vous vous débarrassez de l'économie casino ; c'est pour cela que nous encourageons la mise en place de la loi Glass-Steagall, dans la tradition de ce que Franklin D. Roosevelt a fait en 1933.

Les pays d'Asie centrale vont devoir faire face à cette situation : veulent-ils participer à la seule solution disponible, la nouvelle Route de la Soie, en cette période de changements traumatiques ? Il est normal de penser que les tensions ethniques ou historiques seront toutes dépassées par la question cruciale de l'effondrement financier et du danger de la Troisième Guerre mondiale. Nous devons donc rapidement changer de paradigme et abandonner l'idée de résoudre le problème par la guerre et cesser de penser en termes géopolitiques. Nous devons nous concentrer sur les objectifs communs de l'humanité ou alors, nous pourrions ne plus exister.

Deux milliards de personnes ne peuvent se nourrir au quotidien. La plupart sont en Afrique mais aussi dans d'autres pays en développement. Nous nous trouvons dans une situation de crise. S'il doit y avoir un avenir pour l'humanité, nous devons coopérer de manière complètement différente et réaliser des bénéfices mutuels. Je pense que le Pont terrestre eurasiatique ou la nouvelle Route de la Soie visent à améliorer les conditions de vie dans les pays enclavés d'Eurasie. C'est une nouvelle phase d'évolution car quand nous regardons les premiers hommes il y a plusieurs milliers d'années, ils se sont d'abord installés au bord des océans puis des fleuves. Il a fallu du temps pour qu'ils s'installent dans les zones enclavées grâce aux routes et aux canaux interfluviaux. Ce processus n'est toujours pas terminé.

En Eurasie, de nombreuses zones enclavées ne sont pas facilement accessibles car elles ne sont pas suffisamment développées au niveau des canaux ou des chemins de fer. On n'y trouve que des chemins de terre battue. Il y a donc beaucoup de travail à faire dans les 20 à 50 prochaines années. Je pense que ce qui est essentiel, c'est que la façon de penser des responsables change avant qu'il ne soit trop tard.

Quelles sont selon vous les perspectives pour l'économie mondiale ? Le monde a-t-il échappé in extremis à une crise ou risque-t-il d'y avoir d'autres bouleversements ?

Il y a une différence entre ce qui se passe dans la région transatlantique et ce qui se passe dans la région Pacifique; Dans la région transatlantique, le système financier est sur le point d'imploser. Cela peut se produire au moment même où nous parlons car les efforts déployés pour réduire l'assouplissement quantitatif conduit à un effondrement encore pire, que vous pouvez voir avec l'effondrement des devises sur les marchés émergents, et le système tout entier est sur le point d'imploser.

Ce que les autorités financières aux Etats-Unis et en Europe projettent de faire, c'est d'en rajouter avec l'assouplissement quantitatif, qu'ils tentent de réduire, mais si le besoin s'en fait ressentir, ils injecteront de nouveau des fonds pour un plan de sauvetage. S'ils font ainsi, et ils sont en pleins préparatifs maintenant, va entraîner la désintégration complète du système financier. S'ils mettent en pratique le modèle chypriote dans l'Union européenne et aux Etats-Unis, comme ils l'ont fait en mars dernier à Chypre, quand ils ont fait une coupe en règle de l'épargne et des obligations imposée à toute la population et qui a conduit à la destruction totale de l'économie du pays, un petit pays, on aura alors une situation de chaos total.

Les économies émergentes, notamment les BRICS, ont été le moteur de l'économie mondiale ces dernières années ? Certains économistes ont cependant indiqué en 2013 que le développement de ces économies avait été grandement ralenti en raison de la crise économique mondiale. Ils prédisent que ces économies ne pourront pas continuer à bénéficier d'une croissance rapide. Etes-vous d'accord ?

Cela dépend. Si vous restez à l'intérieur du système de la globalisation, l'avenir ne sera pas vraiment radieux car le système est en train de s'effondrer. Il y a des gens, même aux Etats-Unis, comme le vice-président de la Federal Deposit Insurance Corp. Thomas Hoenig, qui a démontré que le système financier était tellement en faillite que si une ou deux banques, que l'on dit trop grosses pour sombrer, faisaient faillite, elles emporteraient avec elles tout le système en raison des connections entre les marchés.

Les produits dérivés ont créé une situation dans laquelle l'effondrement d'une banque de premier plan comme l'était Lehman Brothers peut provoquer l'évaporation immédiate de tout le système. Certains ont même évoqué un effondrement du système comme une supernova, une étoile moribonde. C'est pourquoi il est si urgent de se diriger vers un autre système et de cesser de penser aux profits faramineux, faire de la spéculation, de l'argent avec de l'argent, toute cette idéologie folle qui s'est développée ces 50 dernières années. Nous devons revenir à l'idée de nous concentrer sur l'économie réelle.

L'idée d'une nouvelle Route de la Soie ne doit pas seulement être étendue à l'Asie centrale, mais elle doit devenir un concept d'amélioration des conditions de vie sur la planète toute entière. Cela signifie que l'avenir des pays émergents sera radieux en rejoignant la Route de la Soie et son développement. S'ils réussissent à la mettre à l'ordre du jour de leurs priorités, je pense que nous serons à l'aube d'une ère pleine de promesses. C'est donc vraiment une question entre la Troisième Guerre mondiale ou un changement de paradigme de civilisation pour une nouvelle ère.

L'idée d'une zone de libre-échange est à l'opposé de la nouvelle Route de la Soie. Le partenariat transpacifique de libre-échange (PTP) pour l'Asie et le Partenariat transatlantique pour le commerce et les investissements (PTCI) vont en réalité aller un peu plus loin dans la direction des empires mondiaux, dans lequel les 500 plus grandes entreprises mondiales auront tout le pouvoir et celui des gouvernements civils s'en trouvera réduit. Nous devons nous opposer à cette conception car elle ne sert pas le bien-être de la population, mais les profits des PDG de 500 plus grandes entreprises. Les dernières statistiques montrent que 85 individus ont autant de richesses que 3,5 milliards de personnes. Pourquoi 85 individus devraient –ils être aussi riches que la moitié de l'humanité ? Le PTP et le PTCI vont encore plus renforcer cette situation. Cela entraînera les famines et la pauvreté de masse qui deviennent déjà de plus en plus prédominantes. La nécessité de réforme est donc très, très urgente.

La situation régionale en Asie de l'Est est maintenant tendue en raison de la visite controversée du premier ministre japonais Shinzo Abe au sanctuaire Yasukuni. Que pensez-vous de cet apparent virage politique à droite au Japon ?

C'est évidemment très dangereux. Je ne pense cependant pas que le Japon fasse ce qu'il fait s'il n'avait pas le soutien des Etats-Unis.

Quand la Chine a mis en place sa zone d'identification de défense aérienne, c'était quelque chose que tous les autres pays faisaient, c'est un mécanisme légitime d'autodéfense. Quand des appareils américains et japonais ont violé cette zone aérienne, cela aurait pu accroître les dangers d'un grand conflit militaire. Cela montre à quel point la situation est volatile.

 

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