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Publié le 27/05/2013
La Chine vers la classe moyenne

« Voici les nouveaux critères des classes sociales chinoises, calculés selon le revenu annuel : super crésus (+ 50 millions de yuans) ; crésus (10-50 millions) ; riches (3-10 millions) ; classe moyenne (150 000-300 000) ; classe à bas revenu (80 000-150 000) ; pauvres (30 000-80 000). »

Sur Internet, ces chiffres se sont largement répandus. Et c'est le seuil de la classe moyenne qui intéresse, car il semble atteignable, malgré un parcours semé d'embûches.

Des dépenses superflues mais inévitables

Tian Qiu travaille dans une entreprises nationale à Beijing. Son salaire n'est pas très élevé, mais stable, avec une augmentation régulière. Mais la pression sociale vient de son entourage, familial comme professionnel.

Chaque jour, avant de débaucher, ses collègues riches discutent déjà du restaurant où ils iront dîner. Elle espère secrètement être acceptée dans ce cercle, mais un dîner à quelques centaines, voire mille yuans, elle ne peut pas se le permettre.

Grâce à leur patrimoine familial, ces jeunes riches sont propriétaires de plusieurs appartements, conduisent des voitures de marque, et dépensent sans compter. « Je suis confiante pour l'avenir, mais je ne veux pas me rivaliser avec ces gens-là. Tout ce que je veux, c'est ne pas être marginalisée au bureau », a révélé Tian Qiu.

En effet, le coût des activités mondaines est plus ou moins un fardeau pour les Chinois de la classe moyenne ou inférieure. He Jia enseigne l'anglais dans une petite ville, pour 2 000 yuans par mois, ce qui n'est pas si mal dans la région. Mais ce qui l'embête, c'est cette « enveloppe rouge » (en chinois, hongbao) qu'elle est obligée de verser de temps en temps soit pour le mariage d'un collègue, soit pour d'autres raisons mondaines. Parfois, ces « cadeaux » représentent la moitié de son salaire !

Toutes ces dépenses inutiles empiètent dans les économies du Chinois moyen. Pire : méfiants de la qualité des produits laitiers, ils sont obligés d'acheter des produits étrangers, évidemment beaucoup plus chers. Inquiets de l'avenir de leurs enfants, ils les inscrivent à toutes sortes de formations et de cours de soutien, forcément exorbitants. Ayant peur d'être démodés, ils courent après le dernier gadget électronique. On est entré dans une ère où l'argent donne une impression de sécurité. Les Chinois ordinaires, faibles et troublés, se noient dans cette nouvelle vague de l'argent.

Et encore ! Tous ces désagréments de la vie sociale apparaissent futiles, au regard des dépenses réelles, qui augmentent sans cesse. Et la liste est longue : flambée immobilière, inflation, hausse des frais et de la fiscalité, hausse de l'énergie, détérioration de l'économie mondiale… Oui, véritablement, le chemin vers la « classe moyenne » est semé d'embûches, que certains estiment désormais infranchissables. La peur du déclassement est réelle et palpable.

Professeur de sociologie à l'Université Qinghua, Wang Tianfu dresse le constat suivant : les riches, malgré leur consommation ostentatoire, disposent d'un capital familial autrement plus élevé que les autres couches sociales, qui augmente beaucoup plus rapidement. Ainsi, selon Wang, les disparités d'accumulation de richesses familiales influencent non seulement la vie quotidienne et l'opportunité de gravir l'échelle sociale, mais pire, cassent littéralement certains barreaux de cette échelle et conduisent à perpétuer les inégalités de génération en génération.

L'enfant vu comme un investissement d'avenir

Et c'est bien ce risque de perpétuation des inégalités qui crée une angoisse sociale énorme parmi les couches moyenne et basse, qui finissent logiquement par investir sur l'unique produit d'avenir à portée de main : leurs enfants.

Zhai Jiguang est professeur à l'université de droit et des sciences politiques. Il est né d'une famille de paysans à Xuzhou du Jiangsu. L'éducation a changé le sort de sa famille et le sien. Mais aujourd'hui, ce genre d'ascension sociale est difficilement reproductible. L'éducation n'est plus un outil de propulsion vers les sommets de la société. La descendance et le départ jouent un rôle plus important que l'assiduité et les efforts.

Ce triste constat, associé à la culture familiale traditionnelle, oblige les parents des classes ordinaires à porter leurs enfants sur les épaules. Seul un départ haut pourrait peut-être garantir à ces petits une concurrence égale avec les enfants de riches et de fonctionnaires.

Dans cette optique, Zhai Jiguang a envoyé sa fille de 5 ans suivre des cours de piano, de peinture et de roller. Des dizaines de milliers de yuans, et la facture s'allonge tous les jours…

Le chemin vers le succès

Ces dernières années, la dégradation des conditions des couches moyenne et basse est devenue un sujet mondial. Dans son livre « la société basse », le Japonais Miura Atsushi révèle que la classe moyenne japonaise, stable depuis 20 à 30 ans, est en train de se réduire. Très peu de jeunes de cette classe peuvent espérer monter dans la société haute. Par contre, de plus en plus d'entre eux chutent. Ces analyses ont eu un large écho en Chine. Le monopole détenu jalousement par la minorité au pouvoir, politique comme économique, ainsi que le système de redistribution de nature à « piller les pauvres pour aider les riches » ont fortement atténué le dynamisme social libéré par la réforme depuis 30 ans.

Alors existe-il encore un chemin vers le succès ?

L'exemple de Yuan Hong semblerait nous prouver que oui. Diplômé d'une université du nord-est en 2005, il est descendu à Beijing, pour un salaire mensuel de 4 à 5 000 yuans. A 30 ans, il n'a toujours pas de copine. Après avoir échoué plusieurs fois à l'examen d'entrée en Master, il a décidé, en 2011, de suivre des cours de MBA. Cela lui a coûté une fortune : 100 000 yuans ! Et tout ça, ce n'est que pour obtenir la qualification de participer à l'examen pour devenir fonctionnaire !

Pour beaucoup de jeunes comme Yuan Hong qui n'ont pas un « super papa », devenir fonctionnaire constitue la dernière chance d'avoir une vie honorable. La réalité leur a donné une bonne leçon. Avant de sortir de l'université, les jeunes des familles ordinaires sont déjà prêts à accéder au « mandarinat », dans l'espoir d'avoir une meilleure identité sociale.

 

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