Des médecins chinois exercent au Rwanda pour combler la pénurie de personnel médical local dans les soins médicaux spécialisés.

Un médecin chinois spécialisé en MTC en consultation à Kigali, au Rwanda, le 31 août. (XINHUA)

Ros Kaberenge, 40 ans, a reçu un traitement médical suivi par des médecins chinois. Certains des traitements dont elle a eu besoin sont rares dans son pays, le Rwanda, en raison du manque de médecins spécialisés. Cette mère de famille souffrait d’une tumeur cérébrale bégnine sur le côté gauche du cerveau. « Plus la taille tumeur grossissait, plus mes capacités à parler déclinaient. Mes capacités cognitives se sont dégradées et la douleur était insoutenable. Mon pronostic vital était engagé », dévoile-t-elle. Elle s’était rendue au Royaume-Uni et en Afrique du Sud pour consulter des spécialistes mais ces deux déplacements n’ont pas permis de supprimer ni de réduire la tumeur. « Même les chirurgiens considérés comme les meilleurs au monde n’ont pas pu m’aider », renchérit-elle. Les coûts du traitement étaient si élevés qu’elle a dû vendre l’une des maisons de sa famille pour payer les frais médicaux. Cherchant désespérément de l’aide, elle a décidé de tenter le tout pour le tout auprès de médecins chinois installés au Rwanda. « Ils m’ont opérée et la tumeur a été retirée en utilisant la technologie médicale chinoise en 30 minutes seulement », souligne-t-elle, ravie.

Renfort médical apprécié

Des médecins chinois au bloc opératoire à Kigali, au Rwanda, le 10 août. (XINHUA)

Mme Kaberenge a bénéficié de ce service à l’Hôpital King Faisal, le plus grand établissement de référence du Rwanda, situé dans la capitale Kigali. Les médecins chinois réduisent la charge de morbidité dans les hôpitaux rwandais en s’associant aux médecins locaux. Cette coopération est facilitée par une initiative gouvernementale de partenariat avec des médecins étrangers. Selon l’OMS, le Rwanda subit une pénurie de médecins – le pays compte seulement 1 350 médecins au total – touchant en particulier les spécialistes. La plupart des médecins étrangers présents au Rwanda sont chinois, et nombre d’entre eux exercent des spécialités médicales. Le Rwanda a perdu la plupart de ses professionnels médicaux spécialisés à un rythme élevé au cours des 10 dernières années. La fuite des cerveaux a sapé les services médicaux.

« Les médecins chinois facilitent le travail des médecins locaux et la charge de morbidité a considérablement diminué. Le pays, comme toute autre société, a connu des maladies rares et émergentes qu’il a fallu diagnostiquer et traiter », indique Daniel Ngamije, ministre rwandais de la Santé. Il a ajouté que cela évitait également à la population de se rendre à l’étranger pour obtenir un traitement médical spécialisé. « Nous espérons pouvoir un jour lancer un programme pour former localement des médecins davantage spécialisés. Des discussions sont en cours pour établir un partenariat avec des médecins chinois dans le cadre de différents programmes d’échange avec le gouvernement et les établissements d’enseignement supérieur », développe-t-il. Certains médecins chinois exercent dans le privé, tandis que d’autres sont sous contrat avec le gouvernement rwandais dans différents établissements. « L’émergence de maladies lourdes et rares signifie que le Rwanda a malheureusement besoin de médecins. Tout comme d’autres pays africains, nous connaissons une fuite des cerveaux, principalement vers les pays européens et asiatiques où l’herbe est plus verte », continue-t-il. « Nous devons trouver des moyens d’inciter nos médecins à rester exercer ici de leur plein gré. »

Amélioration des services médicaux

Le Rwanda dispose du meilleur personnel médical d’Afrique mais cela n’empêche pas la pénurie en médecins spécialisés, selon le gouvernement. Forte de sa capacité médicale reconnue, la Chine a été disposée à établir une coopération en matière de soins de santé. De nombreux médecins spécialisés exerçant dans le pays sont chinois. Cette initiative se poursuit car la pénurie de médecins persiste. Les médecins chinois utilisent la médecine traditionnelle chinoise (MTC), la médecine occidentale et les technologies médicales chinoises dans leurs traitements. Ils sont respectés et appliquent des tarifs abordables, même en cabinet privé.

En parallèle, le gouvernement espère augmenter le nombre d’hôpitaux et améliorer ceux qui existent déjà. Parmi les hôpitaux qui ont connu une amélioration rapide figurent l’Hôpital King Faisal, l’Hôpital universitaire de Kigali et l’Hôpital de Kibogora, situé à 193 km de la capitale. Parmi les autres établissements qui ont considérablement amélioré leurs services grâce à l’expertise chinoise, citons l’Hôpital de Gisenyi, situé dans la ville de Gisenyi, à 153 km de Kigali. L’Hôpital Muhima, l’une des meilleures maternités du Rwanda, connaît également une amélioration dans ses services, avec très peu de cas de mortalité infantile et maternelle. Depuis 2019, l’Hôpital Muhima n’a enregistré pratiquement aucun cas de négligence grâce à la présence accrue des médecins chinois. Selon Pascal Ncubito, son directeur, l’hôpital n’a signalé aucun décès lié à la grossesse. « Entre 2013 et 2015, le taux de mortalité liée à la maternité était élevé, en partie en raison d’une pénurie de gynécologues. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec des médecins étrangers, dont de nombreux experts chinois. »

Un bon système de santé

Le système de sécurité sociale rwandais est très avancé, chaque citoyen étant un participant majeur. Le pays suit un modèle de soins de santé universels, comprenant une assurance maladie. Il s’agit d’un régime d’assurance communautaire dans lequel les membres de la population versent des primes à un fonds de santé local et peuvent en retirer de l’argent lorsqu’un besoin médical survient. De nombreux pays africains tentent d’adopter ce système. Le Kenya devrait lancer sa propre initiative de ce type dans les mois à venir.

Selon M. Ngamije, plus de 10 000 nouveaux cas de maladies rares, essentiellement génétiques, sont signalés chaque année dans les hôpitaux rwandais. Il a ajouté que les établissements étaient débordés en raison de la fuite des cerveaux en matière d’expertise médicale. « Nous allons moderniser nos écoles de médecine à l’aide de fonds chinois. Nous allons également encourager le développement de médicaments spécialisés. Les discussions sont à un stade avancé avec les autorités chinoises », précise-t-il. Le pays compte 42 hôpitaux de district et cinq hôpitaux de référence. Il existe également 500 centres de santé. Avec le financement chinois, le nombre d’hôpitaux de district pourrait doubler en cinq ans, selon le ministre.

Le pays est en tête de ses voisins régionaux dans le secteur de la santé. Le Kenya, qui est la plus grande économie d’Afrique de l’Est, est également confronté à une pénurie de médecins. Selon Francis Atwoli, secrétaire général de l’Organisation centrale des syndicats du Kenya, les médecins kényans réclament une augmentation de salaire de 60 % et un grand nombre d’entre eux se sont tournés vers d’autres professions ou sont partis s’installer dans d’autres pays à la recherche de nouvelles opportunités. « Le Rwanda se porte bien et ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne possède le meilleur système de santé d’Afrique », signale-t-il, confiant.

Reportage du Rwanda

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