Dans le meilleur des cas, un déménagement est traumatisant. J’ai récemment décidé de chercher un nouvel appartement pour me trouver un petit nid douillet à l’est de Beijing plus proche de mon lieu de travail.

J’avais précédemment été aidé par des collègues pour trouver le petit bijou mais cette fois–ci, n’ayant que peu de temps pour faire le tour des appartements, j’ai décidé de faire appel à la plus convaincante des créatures terrestres, l’agent immobilier.

Les sites internet pour expatriés débordant de petites annonces sont squattés par ces agents immobiliers qui remueraient ciel et terre pour trouver le bon appartement. Mes conditions étaient simples : un appartement avec une chambre et une cabine de douche, à proximité du métro et dans les limites de mon budget. Simple et direct, mais plus compliqué que cela ne paraît.

Amber, mon premier agent immobilier, m’a fait visiter trois appartements. Service impeccable. Elle est venue me chercher dans sa Volkswagen blanche et m’a raccompagné. Elle m’a entendu mais ne m’a pas écouté. Plus je lui disais que je voulais un appartement d’une pièce, plus elle me faisait visiter des studios. « Pensez–y ! Vous pouvez voir votre cuisine depuis votre lit », me disait–elle pleine d’enthousiasme. C’est vrai que c’est vraiment le pied !

Je me suis rapidement rendu compte qu’il y avait un problème commun à tous les agents : ils ne m’écoutaient pas.

Vint ensuite Coco : petite, mignonne, avec une voix haut perché un peu exaspérante. Après m’avoir écouté, elle m’a lancé l’habituelle phrase : « Je sais ce que les étrangers veulent ». Elle m’a transporté dans l’est de la capitale, m’a montré un paquet d’appartements trop chers, a tenté de m’amadouer en me disant : « Ce n’est pas cher pour un étranger. » Coco avait des problèmes pour évaluer les distances. Au téléphone, elle m’avait promis 5 minutes à pied de la station Chaoyangmen : c’était en fait 20 minutes en taxi. Elle a semblé très vexée quand je lui ai dit que j’allais continuer à chercher un agent qui puisse me montrer ce que je voulais vraiment.

Puis il y a eu Adam. Il avait l’habitude des étrangers, m’a–t–il dit. J’ai pu le vérifier quand il m’a montré trois appartements de suite avec une salle de bains grande comme un timbre-poste et une douche à l’italienne. Dans deux des salles de bains, je ne pouvais plus bouger, obligé de me plier en quatre tel un bossu. Le troisième appartement était caché au fond d’une longue allée peuplée de revendeurs insistants, faisant naître en moi l’image de chats sauvages et d’un brouhaha indicible. Décrit par Adam comme se trouvant à Jianguomen – une zone appréciée des étrangers – l’appartement n’avait en fait qu’une vue sur Jianguomen, au loin. J’ai pris les jambes à mon cou dans la nuit pour mon prochain rendez–vous, avec Lily.

Nous avons vu de jolis appartements. Certains bien situés, mais mal meublés. Nous avons négocié avec des propriétaires difficiles pour changer certains meubles. J’ai finalement trouvé l’endroit qui me plaisait dans le CBD, le district des affaires, mais la propriétaire m’a demandé 12 mois d’avance, avec un dépôt de garantie d’un mois. Je lui ai demandé pourquoi, que c’était sinon illégal, du moins peu éthique. Elle m’a dit que j’étais célibataire et que je pouvais partir du jour au lendemain. Même en lui montrant mon contrat de travail et en acceptant de payer un dépôt de garantie d’un mois, elle n’a pas été convaincue. Ma mine patibulaire, sans doute. Lily et moi avions un atout supplémentaire en poche. Je suis bouddhiste, célibataire, je ne fume pas et je ne bois pas, a–t–elle dit fièrement. Un locataire de rêve ! La propriétaire n’était toujours pas convaincue. C’était peut–être exagéré. Sans doute aurais-je eu plus de chance si j’avais été drogué, alcoolique, carnivore et fan de heavy metal.

Durant tous ces épisodes, j’ai appris à vérifier la pression de l’eau, mais pas seulement. Si le robinet de la cuisine fonctionne, cela ne veut pas dire que celui de la salle de bains fonctionne. J’ai tiré la chasse, vérifié le gaz, les voisins, la tuyauterie et l’électricité. J’ai traversé Beijing une dizaine de fois pour trouver un appartement, suivant à la trace des agents immobiliers bien attentionnés. Ils m’ont tous laissé tomber à la fin, me trouvant trop difficile. Je le suis sans doute.

Le bon appartement qui me convienne doit sûrement exister quelque part. Mon propriétaire actuel m’a dit qu’il allait changer le canapé et la télé. Je devrais sans doute me contenter de ce qu’on me proposera, ou attendre jusqu’à ce que les poules aient des dents.