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La Chine, une économie de marché ? |
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· 2016-01-29 · Source: Beijing Information | |
Mots-clés: Chine; économie de marché; UE |
L'Union européenne hésite à modifier le statut économique de la Chine de crainte de se faire inonder de produits bon marché. L'octroi du statut d'économie de marché à la Chine bénéficierait pourtant aux deux parties et au développement sain des relations politiques et commerciales.
La Commission européenne discutera de la question du statut d'économie de marché de la Chine durant toute l'année 2016.
Le 13 janvier, elle a tenu le premier débat d'orientation pour discuter des modalités d'un éventuel changement par l'Union européenne du traitement de la Chine dans ses enquêtes anti-dumping après décembre 2016. Un tel débat a eu lieu parce qu'à cette date, certaines dispositions du Protocole d'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) vont arriver à expiration. Une décision doit être prise et la Commission européenne va continuer à formuler des options pour faire avancer le dossier. C'est ce qu'elle a annoncé dans un communiqué le même jour. « Nous y reviendrons plus tard car le président [de la Commission, Jean-Claude Juncker] est clairement parvenu à la conclusion que cette question doit être considérée sous tous les angles importants vu la portée considérable du sujet pour le commerce international, mais aussi pour l'économie de l'Union européenne, » a déclaré le vice-président de la Commission Frans Timmermans après un débat spécial sur la question. La Commission va fournir une proposition au Conseil européen et au Parlement européen pour octroyer ou non le statut d'économie de marché à la Chine. D'après M. Timmermans, la question devrait être examinée au cours du second semestre 2016.
La Chine a récemment demandé à l'Union européenne de respecter les règles de l'OMC et d'octroyer au pays le statut d'économie de marché. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Chine Lu Kang a fait savoir le 31 décembre 2015 qu'il y avait un principe de base et une obligation dans le droit international, résumés par la formule latine pacta sunt servanda – les conventions doivent être respectées – et qu'aucune partie ne pouvait se soustraire à ses obligations telles que définies par les traités internationaux en citant comme prétexte des lois nationales, et traiter les entreprises chinoises de manière déloyale, injuste, déraisonnable et discriminatoire. « En tant que membre de l'OMC, la Chine a honoré avec sérieux chacune de ses obligations légales et doit pouvoir bénéficier de tous les droits dans le cadre de l'OMC, » a-t-il ajouté.
Quatre options pour l'Union européenne
La Chine a adhéré à l'OMC en 2001. Dans le Protocole d'accession, une période de transition qui s'étend jusqu'au 11 décembre 2016 a été convenue sur différents points, l'un d'entre eux étant l'attribution éventuelle du statut d'économie de marché.
En vertu des normes relatives aux circonstances normales sur un marché, le dumping est calculé en comparant le prix d'un produit à l'export aux prix ou aux coûts de ce produit sur le marché du pays exportateur. Pour les pays n'ayant pas une économie de marché, les prix nationaux ne servent pas de référence pour comparer les prix à l'exportation. A la place, les règles anti-dumping de l'OMC et de l'Union européenne permettent d'utiliser des données d'un autre pays pratiquant l'économie de marché, un « pays analogue », pour servir de base à leurs calculs.
D'après une analyse effectuée par le Parlement européen en décembre 2015, la question de savoir si la Chine est ou non une économie de marché n'intéresse pas l'OMC car elle n'a en fait aucune règle pour définir ce qui constitue une économie de marché ou comment une économie de marché doit fonctionner. Ce qui importe aux membres de l'OMC, c'est dans quelle mesure le prix des exportations chinoises reflète l'influence de l'intervention de l'Etat. Le statut d'économie de marché est alors pertinent, quand les partenaires commerciaux de la Chine lancent des enquêtes anti-dumping. Un article de l'agence de presse Xinhua du 14 janvier montre en effet qu'avec l'approche dite du « pays analogue », les produits chinois sont davantage susceptibles de faire l'objet d'enquêtes anti-dumping quand ils sont vendus en Europe, ce qui a réduit la compétitivité des produits fabriqués en Chine.
Un changement du statut de l'économie chinoise dans la réglementation anti-dumping de l'Union européenne modifierait aussi la méthode de calcul des droits anti-dumping ce qui, en retour, aurait un impact sur l'économie européenne. Ainsi, la Commission européenne évalue attentivement l'impact potentiel de toute modification de la méthode de calcul sur les emplois dans l'UE. Toutes les parties prenantes, industries incluses, seront pleinement impliquées, précise le communiqué de la Commission du 13 janvier.
Dans le rapport du Parlement européen, quatre options sont formulées : (1) la Chine n'obtient pas automatiquement le statut d'économie de marché et l'UE pourrait continuer à appliquer la méthode du « pays analogue » ; (2) la Chine n'obtient pas automatiquement le statut d'économie de marché alors que l'UE peut seulement continuer à appliquer une méthode alternative sous certaines conditions ; (3) la Chine obtient le statut d'économie de marché ; (4) le statut d'économie de marché de la Chine sera déterminé au cas par cas.
Des horizons incertains
Le statut d'économie de marché est important parce que s'il est octroyé, il réduira la capacité de l'UE à imposer des droits anti-dumping sur les importations chinoises. Cela ne serait alors envisageable que si le prix des exportations chinoises se situe en-deçà des prix nationaux déjà bas, d'après un article de Reuters du 18 septembre 2015.
Le communiqué de la Commission européenne du 13 janvier précise qu'il y a actuellement 52 mesures anti-dumping en place à l'égard de la Chine, concernant 1,38 % des importations de l'UE en provenance du pays. Les principaux secteurs concernés sont l'acier, l'ingénierie mécanique, ainsi que les produits chimiques et en céramique. Près de 250 mille emplois industriels de l'UE sont placés sous la protection directe des mesures anti-dumping à l'égard de la Chine. Certaines institutions ont néanmoins exprimé leur inquiétude.
Une étude publiée le 18 septembre 2015 par le Economic Policy Institute, un groupe de réflexion basé à Washington, prévoit que la décision de l'UE d'octroyer le statut d'économie de marché à la Chine mettrait en danger entre 1,7 et 3,5 millions d'emplois dans la zone en réduisant la capacité d'imposer des droits sur les produits sous-évalués. L'augmentation des importations suite à l'octroi du statut d'économie de marché à la Chine réduirait la production de l'UE entre 114,1 milliards d'euros (125 milliards de dollars) et 228 milliards d'euros (250 milliards de dollars), soit une baisse comprise entre 1 et 2 % du PIB de l'UE.
La Confédération européenne des syndicats (CES) a publié un communiqué le 11 janvier 2016 pour appeler les institutions européennes à ne pas octroyer le statut d'économie de marché à la Chine. « L'Union européenne a des critères clairs pour le statut d'économie de marché, a déclaré Luca Visentini, secrétaire général de la CES, et la Chine ne les remplit pas. De plus, cela ouvrirait l'UE à un dumping illimité de produits chinois sur notre marché, ce qui serait catastrophique pour l'industrie européenne et les emplois. »
Dans un communiqué rendu public le 12 janvier, Milan Nitzschke, porte-parole d'AEGIS Europe, une alliance représentant 30 secteurs industriels européens, s'est exprimé sur ce sujet. « L'Europe ne peut pas accorder le statut d'économie de marché à un pays qui ne le mérite pas. Le faire aurait un impact négatif considérable sur l'industrie européenne, a-t-il fait savoir. L'octroi du statut d'économie de marché à la Chine équivaudrait à faire cadeau d'un permis de vendre des produits sous-évalués. »
Les pays membres de l'UE ont des positions différentes. Si le Royaume-Uni, les Pays-Bas et les pays scandinaves soutiennent le passage au statut d'économie de marché de la Chine, l'Italie s'y oppose fortement. La chancelière allemande Angela Merkel a déclaré en octobre 2015 que l'Allemagne était en principe favorable à l'octroi de ce statut à la Chine.
Un rejet serait préjudiciable aux deux parties
Si l'Union européenne refuse d'octroyer le statut d'économie de marché à la Chine après l'expiration du Protocole d'accession à l'OMC de la Chine, les experts chinois estiment que cela pourra servir de mauvais exemple aux autres membres de l'OMC et avoir un impact défavorable sur le système commercial multilatéral.
Chen Xin, directeur du département d'économie de l'Institut des études européennes de l'Académie des sciences sociales de Chine, a déclaré que même si le statut d'économie de marché n'est qu'un concept ne concernant que le domaine de l'anti-dumping, il reflète le respect de l'adhésion au système commercial multilatéral international. L'UE a toujours été fière de son Etat de droit et elle est aussi l'architecte du système commercial multilatéral. Si l'UE refuse d'octroyer le statut d'économie de marché à la Chine, cela aura un impact défavorable sur le système commercial multilatéral et sur le désir de la Chine et d'autres membres de l'OMC de prendre part au commerce multilatéral.
M. Chen pense que l'UE devrait reconnaître le statut d'économie de marché de la Chine le plus rapidement possible pour l'intérêt à long terme des deux parties. Quinze ans après son accession à l'OMC, la Chine a réalisé des progrès très rapides en termes d'apprentissage et de respect des règles du commerce multilatéral, ce qui a été largement reconnu par la communauté internationale. Actuellement, plus de 80 pays, notamment des économies développées comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ont reconnu que la Chine était une économie de marché, ce qui a fait progresser de manière significative les relations commerciales entre la Chine et ces pays. Les pays membres de l'UE avec des économies plus ouvertes et compétitives sont aussi en faveur d'octroyer le statut d'économie de marché à la Chine.
L'UE est maintenant le plus grand partenaire commercial de la Chine et la Chine est le second plus grand partenaire commercial de l'UE. Les relations commerciales Chine-UE sont complémentaires et mutuellement bénéfiques. « Leurs relations se renforcent chaque jour, explique Wang Yiwei, professeur à la faculté des Etudes internationales de l'Université Renmin de Chine. Depuis que les deux parties ont établi de nouveaux canaux de coopération commerciale comme l'initiative "Une ceinture et une route" et le Plan Juncker, la question du statut d'économie de marché de la Chine ne doit pas bloquer le développement sain des relations politiques et économiques entre la Chine et l'UE. »
Beijing Information